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NUCLÉAIRE ET CANICULES – LES CONSÉQUENCES SUR L’EAU.

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NUCLÉAIRE ET CANICULES
LES CONSÉQUENCES SUR L’EAU
À GOLFECH ET AILLEURS

Cet article correspond à mon intervention avec Marc Saint Aroman, pour Les Amis de la Terre, à la Bourse du Travail à Toulouse le 29 septembre 2023. Cette manifestation était organisée par Eau Secours 31

Baisse du débit des cours d’eau, augmentation de leur température, hausse des températures, catastrophes climatiques diverses : la fréquence de ces événements est condamnée à croître à très moyen terme. Ces évènements vont affectés le fonctionnement des centrales nucléaires en augmentant les pollutions (moins d’eau pour diluer une pollution identique voire croissante) et en augmentant le risque d’accident (un risque déjà augmenté par le vieillissement du parc nucléaire).

Le projet Explore 2070, piloté par le Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie et datant de 2012, s’est posé la question de l’évolution des débits fluviaux et du changement climatique.

Évolution des débits moyens annuels à l’horizon 2046-2065 (source Explore 2070). Le gros point bleu indique Golfech.

Les résultats du projet Explore 2070 montrent une baisse très probable des écoulements fluviaux, mais une baisse dont la valeur demeure incertaine. À l’échelle nationale, les modèles estiment une baisse possible des débits moyens interannuels située entre – 15 % et – 40 % à l’horizon 2046-2065 par rapport à la période de référence 1962-1991. Pour la Garonne cette baisse est estimée plus importante que pour les autres fleuves de -20 à -60 %.

Mais plus grave encore, les auteurs de l’étude montrent que l’étude d’un l’indicateur, le QMNA5, témoigne d’une possible baisse drastique des débits minimaux. Le nombre de jours où il faudra arrêter les réacteurs pour cette raison va donc augmenter de façon exponentielle.

Le projet Explore 2 qui succède à Explore 2070 et qui doit livrer ses conclusions en 2024 s’intéressera davantage à l’évolution des nappes phréatiques. Il semble d’ores et déjà que le problème principal concernera la baisse des nappes du bassin parisien. Les problèmes des parisiens risquent de laisser la province sur le bas côté.

Sauf à fonctionner en régime dérogatoire, comme cela se multiplie, les rejets thermiques imposent de réduire, voire d’arrêter, certains réacteurs en période de faible débit et de canicule.

Déjà au cours de l’été 2022, l’ASN (l’Autorité de Sûreté Nucléaire) a autorisé pour la première fois des centrales à fonctionner en dehors des seuils environnementaux pendant 3 semaines, comme ce fut le cas à Golfech.

La température de l’eau des fleuves s’est élevée en moyenne de 0,8 °C par décennie au cours des quarante dernières années ce qui a occasionné une modification des espèces vivant dans ces milieux. Parallèlement, leur débit a baissé de 5 % par décennie.
Selon le Réseau de transport d’électricité (RTE) les pertes de production, dues à ces diminution ou arrêts de fonctionnement pour cause de chaleur, seraient limitées : moins de 1 à 1,4 % de la production annuelle en moyenne.
Mais ces indisponibilités devraient être multipliées] par un facteur de trois à quatre à l’échéance de 2050. Les épisodes caniculaires sont déjà quasi-annuels depuis 2017.

DÉBITS DE LA GARONNE DEPUIS 1959
(b) nombre de jours par an où le débit est > 3400 m 3 ;
(c) nombre de jours par an où le débit est < 110 m 3
Source Katixa Lajaunie-Salla
https://www.researchgate.net/figure/a-Evolution-du-debit-moyen-annuel-de-la-Garonne-depuis-1959-b-nombre-de-jours-par_fig21_316186824

La filière nucléaire souhaite une révision de la réglementation dans le sens de l’assouplissementCette solution de facilité fait l’impasse, entre autres, sur les impacts pour la flore et la faune, ou encore le risque de multiplication de pathogènes (légionelles, amibes notamment). Ces pathogènes sont aussi créés par le fonctionnement de la centrale : à Golfech l’eau prélevée dans la Garonne pour refroidir arrive par un canal d’amenée de 10 km de long, 100 m de large, et entièrement bétonné… Il faut beaucoup de chimie pour traiter tout cela, et l’eau qu’EDF se vante de restituer au fleuve n’est plus la même que celle qui a été prélevée.


D’autre part le réchauffement de l’atmosphère agit directement sur la tenue des matériaux et le fonctionnement des éléments électriques, électroniques, etc. Par exemple les générateurs diesel de secours, fraîchement installés, post Fukushima, ne sont pas garantis pour fonctionner au-delà de 50 °C.

Les centrales nucléaires elles-mêmes sont un acteur direct de ce même réchauffement climatique et génèrent une augmentation au moins localisée de l’atmosphère, ce qui représente là aussi un danger pour ses équipements et une augmentation du risque majeur d’accident. Les 430 réacteurs nucléaires, partout dans le monde transforment en électricité seulement 30 % de l’énergie dégagée, le reste, 70 %, réchauffe l’atmosphère, les cours d’eau et les océans.

Diminuer les contraintes pour l’exploitant en adaptant un seuil dérogatoire de plus de 30°C, ce serait accepter la détérioration des écosystèmes aquatiques.
Des évaluations menées par EDF dans les années 1960 démontraient pourtant que l’échauffement de l’eau a des impacts écologiques significatifs avant 30 °C…

On ne peut pas être assuré que les EPR que le gouvernement promet de construire, puissent encore fonctionner à la fin du siècle dans un climat dont la dérive reste impalpable.

Quelles sont déjà aujourd’hui les pollutions de la Garonne engendrées par les rejets de la centrale de Golfech et qui, si rien n’est fait, sont condamnées à augmenter?


Pollution par la radioactivité

Parmi les rejets liquides déclarés par le CNPE de GOLFECH en 2020 on trouve surtout du Tritium avec 52,4 TBq rejetés pour 80 TBq autorisés (notez que 52 TBq c’est plus de 2 fois plus que ce qui doit être rejeté chaque année à Fukushima : 22 TBq), on trouve aussi dans ces rejets du carbone 14 : 23,9 GBq ainsi que des iodes et d’autres radioéléments. Le Tritium et le carbone 14 constituent les principales pollutions radioactives.

Plusieurs fois les associations locales ont demandé à la CRIIRAD (Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité) d’effectuer des analyses de végétaux aquatiques comparativement en amont et en aval de la centrale.

En 2019 pour le carbone 14 le résultat s’élevait à 666 Bql à Lamagistère à environ 1,5 km en aval, soit 3 fois plus qu’en amont (217 Bql). Et pour le Tritium TOL à 14,3 Bql en amont soit plus de 4 fois plus qu’en aval (3 Bql). Le TOL est le tritium organiquement lié, plus dangereux que l’eau tritiée (HTO) rejetée par la centrale, c’est le Tritium qui s’est fixé sur de la matière vivante. Au contact de l’ADN on soupçonne ce TOL de pouvoir engendrer des mutations.

La Garonne est un petit fleuve comparé au Rhône et à la Loire. On constate qu’il y a beaucoup plus de tritium radioactif en aval de Golfech (14,3 Bql) qu’en aval de Cruas (4,5 Bql). Le Rhône est un fleuve beaucoup plus puissant qui peut diluer beaucoup plus que la Garonne.

On retrouve le Tritium rejeté par la centrale dans l’eau du robinet à Agen et ses environs, et dans une moindre mesure jusqu’à 100 km en aval.
Selon les données EDF les rejets liquides durent 25 % du temps. On a évalué au RCSRGB en consultant les données ARS (Agence Régionale de Santé) que la moyenne de ces rejets devait se situer autour de 50 Bql/litre d’eau du robinet.

Donc à Agen (et ailleurs car cela concerne 6 millions d’habitants en France) on boit l’eau du robinet contaminé par le tritium, on prend des bains, on va à la piscine…
Et aussi on mange des productions agricoles arrosées avec l’eau de Garonne, mais vous aussi peut-être.

Une étude réalisée par la CRIIRAD a permis de mettre en évidence pour la centrale de Saint-Alban, dans la vallée du Rhône, la contamination de l’environnement terrestre et de la chaîne alimentaire par le tritium et le carbone 14 rejetés par cette centrale. La CRIIRAD a mesuré cette contamination dans des pommes-de-terre, des pommes, du raisin. Des analyses similaires des productions agricoles Lot-et-Garonnaises en aval de Golfech montreraient sans doute une incidence des rejets radioactifs du CNPE de Golfech plus importante que celle détectée en aval de Saint-Alban.

La direction générale de l’alimentation, la DGAL (dépendant du ministère de l’Agriculture) qui effectue des analyses radiologiques (parfois controversées) sur l’alimentation et les productions agricoles ne trouve sans doute pas de résultats dépassant les normes ce qui ne signifie pas l’absence de contamination. En France on ne devrait pas trouver de pollution radioactive dans les aliments : dès le premier becquerel, le risque augmente pour la santé.

Pollution chimique

Pour 2023 la centrale de Golfech prévoyait, dans un prévisionnel de rejets, de rejeter : 6 tonnes d’acide borique, 350 kg de morpholine, 900 tonnes de sulfates, 82 tonnes de sodium, 140 tonnes de chlorures, etc. Ce prévisionnel n’indique pas les rejets accidentels : tous les ans des fuites accidentelles de réfrigérant, fréon, frigorigènes, ainsi que des rejets accidentels d’acide chlorhydrique, 58 m³ à Catenom en 2013, à Golfech, mi-mars 2022, plus de 5 m3 d’acide sulfurique ont été déversés dans la Garonne via le réseau d’eau pluviale.

Ces produits chimiques et des radioéléments vont migrer et se concentrer dans les organismes aquatiques et dans les sédiments. Ils pourront se retrouver dans l’eau d’irrigation pompée dans le cours d’eau.

La présence de sels minéraux va induire la prolifération d’une certaine flore et microflore aquatiques. C’est le phénomène d’eutrophisation, lequel se traduit par la diminution de l’oxygène dissous et le “pourrissement” des eaux.

Le contexte local autour de Golfech

Le jeudi 9 février 2023 une conférence de presse (Garonne en Fête : baignade dans les rejets radioactifs de la centrale) a été organisée à Agen pour commenter des analyses effectuées par la CRIIRAD à la demande cette fois-ci de Sortir du Nucléaire, elle réunissait des membres du bureau national de SDN (Sortir du Nucléaire) Laure Barthélemy, Chargée de recherche et de Surveillance Citoyenne des Installations Nucléaires, et Mathilde Damecour, Chargée de campagnes, ainsi que pour la CRIIRAD Marion Jeambrun, Chargée d’étude et Responsable du service Analyse.
La Dépêche n’a envoyé aucun journaliste, Sud-Ouest un stagiaire et étaient représentés 2 radios locales. Nous y avons fait des déclarations qui n’ont trouvé aucun écho dans la presse locale comme par exemple :

  • baignade pendant les rejets de radioactivité dans la Garonne à Agen en 2022 pendant les 7 semaines qu’ont duré Garonne en Fête, avec preuves à l’appui,
  • nous avons suggéré de prévenir les populations par une information adéquate à proximité des lieux de baignade (à l’exception du journal Sud-Ouest),
  • suggéré aussi l’incitation à limiter l’exposition auprès des jeunes enfants et des femmes enceintes, plus sensibles à la radioactivité,
  • évoqué l’injustice fiscale : aucune indemnisation d’Agen et du Lot-et-Garonne, les retombées fiscales de l’exploitation de la centrale étant réservées à Golfech, son département, sa région. Alors que c’est désormais Agen et le Lot-et-Garonne qui reçoivent une grande part des pollutions,
  • évoqué le risque d’accident majeur pour Agen qui est situé sous le vent à une vingtaine de kilomètres de la centrale,
  • évoqué les manquements de LVD82 Laboratoire vétérinaire de Montauban : rejets omis et arrêt de mise à disposition du public de certaines analyses, après notre enquête sur l’eau du robinet,
  • ainsi que la pollution très probable des productions agricoles.

Ces déclarations n’ont donc pas été relayées par la presse et restent donc largement inconnues du public.

Un incident de niveau 2, concernant les diesels de secours, en juillet 2022, n’a non plus suscité aucun intérêt pour la presse locale. Un incident de niveau 2 doit pourtant être considéré comme un incident pouvant avoir des conséquences très graves, dans le cas présent l’impossibilité pour l’exploitant d’alimenter la centrale en électricité en cas d’accident comme cela a été le cas à Fukushima. Un incident de niveau 1 en avril dernier, concernant encore ces diesels de secours n’a non plus trouvé aucun écho…

Le 6 novembre 2020 lors d’un évènement organisé autour de la venue de Bruno Chareyron de la CRIIRAD pour commenter des résultats d’analyse, nous avons fait salle comble lors de la réunion publique, mais le lendemain la réunion destinée aux élus n’a reçu qu’un maire et 3 adjoints. Nous avions pourtant envoyé un courrier à tous les élus du PPI (communes situées à moins de 20 km de la centrale), courrier accompagné d’une plaquette, le Guide de l’Élu, conçu pour eux par nos soins.

Quand à la CLI (Commission Locale d’Information), qui comprend 191 membres dont 127 élus, des représentants du personnel de la centrale, d’EDF, de l’ASN, des associations locales, etc., elle se fixe pour but d’informer le public mais il faut bien constater que C’est CLI qui dit rien qui y est ! Malgré quelques représentants d’associations comme FNE (France Nature Environnement) ou de la CGT qui se sentent impuissants à faire entendre leur voix. La CRIIRAD a abandonné pour cette même raison sa participation à plusieurs CLIs.
Avec 223 000 euros de budget prévisionnel pour 2023, la CLI de Golfech souhaite créer un nouveau site et demande pour cela une rallonge de près de 50 000 Euros (Site+tournage de vidéos+rédactionnels). Sur ce nouveau site même les rédactionnels seraient externalisés. La CLI dispose pourtant déjà d’un site internet, qui brille lui aussi par un vide abyssal d’information, et 191 membres c’est sans doute trop peu pour réaliser quelques articles, analyser et mettre en perspective les nombreuses informations disponibles auprès du CNPE de Golfech ou du laboratoire LVD82.

Un étrange silence radioactif règne autour de Golfech : presse locale, élus et CLI sont aux abonnés absents.
Pas de nouvelles, bonnes nouvelles. La place est libre pour le matraquage pro EPR, y compris la peste Jancovicienne des nucléaro-écologistes, et autres nouveaux VRPs du nucléaire comme les grandes associations anti-éoliennes converties au nucléaire.

Avec le réchauffement climatique, la poursuite et la relance du nucléaire civile, toutes les pollutions et autres nuisances vont donc s’accroître.

Si le nucléaire dit « civil » baigne dans la culture du secret (comme un poisson dans l’eau tritiée de la Garonne), c’est peut-être parce qu’il provient du nucléaire militaire.

De l’extraction de l’uranium à la technologie des réacteurs, des transports radioactifs à la gestion des déchets en passant par la formation universitaire et la recherche scientifique, les compétences servent autant aux sous-marins, aux porte-avions à propulsion nucléaire et aux ogives qu’à éclairer les salles de bains. L’armée n’a donc plus besoin de superviser toutes ces activités et peut maintenir à moindre coût son arsenal nucléaire.

Or, c’est probablement à l’aune de sa puissance atomique que la France pense justifier sa place au sein des nations décideuses, en Europe et dans le monde.

Dans les dix dernières années, l’Allemagne, la Belgique et la Suisse ont toutes fait le choix d’abandonner l’atome comme mode de production d’énergie. Cela a sans doute été rendu possible, parce que ces pays ne possèdent pas d’armement nucléaire !

Ces gouvernements ont donc eu les mains libres pour décider de poursuivre ou non l’existence d’une filière décriée parce que dangereuse, déficitaire et vieillissante.

Une grande partie de l’uranium utilisé en France est extraite au Niger où l’armée entretien un régime de vassalité, en soutenant des insurrections, des putschistes ou des candidats aux élections pour servir ses objectifs.

Par nature, le nucléaire se situe donc à l’opposé des idéaux démocratiques, de paix et d’égalité entre les peuples.

Compléments