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Jancovici : le cancer et la ruine

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Texte de Christophe travaillé avec Catherine, André, Pierre, Monique

L’indication page entre crochets [page 139] indique le numéro de page de la BD ‘Le monde sans fin’ où retrouver les citations ou le sujet évoqué

JMJ = Jean-Marc Jancovici

Cet article entend être une analyse critique (non exhaustive) de la bande dessinée « Le Monde sans fin », cosigné Jean-Marc Jancovici et Christophe Blain, et une critique aussi du ‘système Jancovici’ qui consiste, en s’appuyant sur l’inquiétude liée à la crise climatique à diffuser des informations souvent tronquées, approximatives, voire mensongères, pour décrier les énergies renouvelables et faire l’apologie du nucléaire.
Cet article s’intéressera d’abord à la vision erronée diffusée sur le nucléaire mais abordera aussi les autres aspects ‘du système Jancovici’ concernant les énergies renouvelables, l’énergie en général, la manipulation des chiffres, etc.

La vision sur l’énergie nucléaire des deux auteurs est franchement biaisée. Aucune mention des débats sur le nombre de morts à Tchernobyl n’est faite. Rien n’est dit sur les centaines de milliers de personnes déplacées, les coûts et autres conséquences des accidents nucléaires ou des rejets dans l’atmosphère, les cours d’eau et les mers, passés et futurs…

Présentation de JMJ :
JMJ est surtout connu pour ses nombreuses interventions dans les médias, moins pour les conférences ou encore un cours qu’il donne depuis quelques années à l’École des Mines de Paris sur le thème de l’Énergie et du Climat.

JMJ est diplômé de l’École Polytechnique (sous tutelle du ministère de la Défense) et de l’École Nationale Supérieure des Télécommunications de Paris.
Il est associé fondateur de l’entreprise « Carbone 4 », spécialisée dans les « bilans carbone » destinés aux entreprises. Ce bureau de consultants a une cinquantaine de salariés. J
MJ est également le fondateur du think tank « The Shift Project » qu’il préside et qui, selon le site internet de cette association « œuvre en faveur d’une économie libérée de la contrainte carbone ».

Si vous jetez un œil sur les sites internet de « Carbone 4 » et de « The Shift Project » vous verrez que les personnes qui dirigent ces structures sont presque toutes issues du des grandes entreprises, du secteur bancaire, des assurances etc .

The Shift Project ne néglige aucun moyen pour atteindre ses buts : après des actions en direction des acteurs économiques, politiques et des médias il agit aussi en direction des réseaux militants, écologistes, altermondialistes, pour lesquels il convient d’être vigilants…


A – Une vision 
biaisée du nucléaire

TCHERNOBYL et FUKUSHIMA: des conséquences négligeables selon JMJ

Pour JMJ il y a eu peu de morts à Tchernobyl : « une trentaine de morts à bref délai » plus « 3000 enfants ayant développé un cancer de la thyroïde » [page 139] ; en citant l’UNSCEAR (Comité scientifique des Nations unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisant). C’est un peu court : pour Tchernobyl, l’ONU retient en 2006 une fourchette du nombre de morts comprise entre 4 000 et 93 000 morts (chiffre de Greenpeace cité par l’ONU).
Dans l’analyse de l’UNSCEAR, seuls les pathologies des travailleurs sur le site et le cancer de la thyroïde dans la population générale sont précisément chiffrés. Pour les autres maladies, selon l’UNSCEAR, «il n’existait, vingt ans après l’accident, aucune preuve d’un impact majeur d’une exposition aux rayonnements sur la santé publique».

La sociologue Christine Fassert indique que « l’évaluation des conséquences sanitaires dans la situation post-Tchernobyl est caractérisée par des désaccords profonds entre les conclusions des rapports d’organisation internationale (AIEA, UNSCEAR…) et les résultats des scientifiques locaux en Ukraine et au Belarus »Ces derniers allant jusqu’à estimer le nombre de morts possibles à près d’un million, dans un livre publié par l’académie des sciences de New York.

Pour Kate Brown (Tchernobyl par la preuve chez Actes Sud), la première historienne occidentale à avoir travaillé dans les archives du ministère soviétique de la Santé, d’une part le véritable bilan ne sera jamais connu, elle donne une fourchette comprise entre 35 000 et 150 000 décès, mais d’autre part il n’y a eu aucune volonté, ni des autorités soviétiques, ni des occidentaux, ni des agences onusiennes, à la fois d’établir un bilan mais aussi de s’intéresser aux effets sanitaires à long terme sur les populations civiles. Leur objectif était de minimiser la situation et de tout faire pour éviter que l’on s’intéresse aux impacts réels des radiations.

L’IRSN (Institut de Recherche sur la Sûreté Nucléaire), reconnait que «trente ans après l’accident, il est impossible de dresser un bilan sanitaire complet. Et pour cause : les résultats disponibles sont limités par la qualité des études épidémiologiques réalisées, la difficulté d’identifier précisément les populations exposées et les incertitudes associées aux estimations dosimétriques. Surtout, la réalisation de bilans sanitaires est rendue extrêmement compliquée par les changements socio-économiques majeurs survenus dans ces régions suite à la chute de l’Union soviétique.

Pour Fukushima comme pour Tchernobyl, aucune mention, chez les auteurs de la BD, des milliers de personnes déplacées, des zones contaminées, des coûts des catastrophes estimés entre 200 et 500 milliards d’euros (selon l’IRSN). Après l’accident de Fukushima, l’économie d’une région entière a été dévastée.

Des déchets nucléaires minorés

Pour JMJ, le volume des déchets dangereux équivaut à celui d’une piscine olympique [page 146], reprenant sans doute une déclaration datant de plus de 10 ans, d’ Anne Lauvergeon patronne alors de l’entreprise Areva (maintenant Orano, multinationale française). Le volume de cette piscine correspond à celui des déchets nucléaires à haute activité à vie longue déjà produits. Mais le calcul des auteurs ne prend pas en compte les dernières décisions présidentielles d’allonger autant que faire se pourra toutes les tranches nucléaires en service. Ni les dysfonctionnements réguliers de l’usine Melox, dont on est obligé de jeter une grande partie de la production de combustible au plutonium, des pastilles de Mox ratées.
Pas de mention des déchets dangereux (bitumés, donc inflammables) dont l’Autorité de Sûreté Nucléaire ne sait toujours pas s’ils pourront être stockés dans le futur centre de stockage géologique Cigeo. Oublié aussi les centaines de milliers de m3 de déchets faiblement actifs qui n’auront plus d’exutoires au-delà de 2025, comme ne cesse de le rappeler l’Agence Nationale de Gestion des Déchets Radioactifs (Andra). Si l’on raisonne avec les unités de mesure des deux auteurs, le problème à régler n’est donc pas celui d’une seule piscine mais de plus de 450 (selon l’Andra 1 700 000 m3). Le site Cigéo n’est pas encore construit qu’il serait tout juste suffisant pour stocker les déchets d’aujourd’hui… Ou mettrait-on les déchets générés par de futurs EPR et le démantèlement des centrales arrivées en fin de vie ? Cigéo-Bure est de plus un projet contestable : qui peut avoir envie de vivre aux abords d’un tel site avec des risques d’incendie, d’infiltration, de dispersion de la radioactivité dans une couche d’argile au comportement incertain. Ces déchets resteront dangereux pendant des milliers d’années, et nous devons pouvoir les contrôler en permanence. La question de la réversibilité n’est toujours pas résolue et ne le sera pas dans les faits. Il sera  alors impossible de récupérer ces déchets si une solution durable était enfin trouvée par les générations futures.

À la lumière des perturbations environnementales grandissantes, il n’est pas du tout certain que les générations futures disposeront des moyens pour gérer les déchets ou assurer le démantèlement des installations nucléaires. Surtout si ces générations doivent continuer à rembourser les dettes d’une économie qui ne peut que se penser croître ‘sans fin’.

Des oublis non négligeables

Les auteurs ont omis de nous rappeler que l’industrie nucléaire a rejeté en mer (avant l’interdiction totale en 1993) 200 000 tonnes de déchets nucléaires au niveau mondial dans les océans. Entre 1967 et 1969, la fosse des Casquets à 15 km au large des côtes du Cotentin, a accueilli, à une centaine de mètres sous l’eau, 14 200 tonnes de déchets qui y sont toujours ! La Grande-Bretagne et la Belgique y ont aussi ajoutées 3 000 tonnes de déchets supplémentaires. Sans oublier un pipeline long de 4 km qui, depuis la Hague, s’enfonce à une soixantaine de mètres sous la mer pour déverser, en toute légalité, un cocktail de matière radioactive que l’on retrouve jusqu’en Norvège. Les rejets radioactifs déversés à La Hague sont aussi important que ceux de toutes les centrales nucléaires françaises réunies.

JMJ nous présente l’énergie nucléaire comme le parachute ventral [page 162] au secours de la transition énergétique. Mais ce parachute est peu fiable : il faut plus de 15 ans pour construire un réacteur et seul un des six EPR dont la construction a été lancée depuis plus de 20 ans est actuellement en service, mais demande encore à être vérifié pour l’EPR finlandais. Le coût de l’énergie nucléaire ne fait qu’augmenter quand celui des énergies renouvelables ne fait lui que baisser. Le coût final de l’EPR de Flamanville dont la construction était prévue durer 5 ans pour un coût de 3,3 milliards devrait atteindre rapidement les 20 milliards d’euros. Pour ce prix, on peut désormais mettre en service 8 GW d’éolien en mer.
Depuis 2021, les énergies solaire et éolienne ont continué à distancer le nucléaire mondial, selon un rapport (de référence). Pour la première fois, elles dépassent la part d’énergie nucléaire produite : en 2021, seulement 9,8 % de l’électricité produite dans le monde était issue de réacteurs nucléaires quand plus de 10 % de l’électricité mondiale était fournie conjointement par des infrastructures solaires et éoliennes.

Le problème des fissures découvertes récemment sur le parc électronucléaire français semble présenter un risque systémique pour l’ensemble du parc pouvant concerner toutes les générations de réacteurs en service. Le coût semble déjà en être de 1 milliard d’euros par réacteur pour le seul manque à gagner ?
C’est aussi une technologie exposée au changement climatique ce qui peut induire des surcouts de plus en plus importants. Les épisodes climatiques extrêmes risquent de devenir de plus en plus fréquents et pourraient s’accompagner (indicateur QMNA5) d’une possible baisse drastique des débits minimaux : le nombre de journées où il sera nécessaire de mettre à l’arrêt des réacteurs pour cause de sécheresse augmentera de plus en plus.

En août 2022 4 sites nucléaires, dont Golfech, ont été autorisés à dépasser, pendant plusieurs semaines, les niveaux réglementaires de la température d’eau rejetée dans les fleuves et rivières dans lesquels ils s’alimentent. Ce dispositif de dérogation n’avait jusqu’alors été utilisé qu’une fois, en 2018 pour la centrale de Golfech, pour une durée de 36 heures. La SMEAG qui gère les soutiens d’étiage (apports d’eau quand il en manque) indique « Cette année aura été marquée par un étiage très précoce, très intense et très long sur l’ensemble du bassin Garonne entrainant de longues périodes en dessous des records statistiques. L’année 2022 établit également le nouveau record de déstockage. Tous ces éléments témoignent du fait que la campagne 2022 restera dans l’histoire du soutien d’étiage de la Garonne comme la plus sèche et la plus intense jamais rencontrée. » (https://www.smeag.fr/sites/default/files/1028-infogaronne-18_0.pdf). Cette année de tous les records nous donne un aperçu de ce qui pourrait nous attendre dans 10 ou 20 ans.

On envisage de déroger au droisur le littoral pour construire des réacteurs le long des côtes alors que le réchauffement climatique va engendrer une hausse du niveau des océans. On a déjà vu ce que cela a pu donner au Blayais où en 1999 l’accident majeur a été évité de justesse et où l’évacuation de Bordeaux a été envisagée.

On ne peut décemment oublier ou nier les défauts de l’industrie nucléaire civile dans un ouvrage de vulgarisation sur l’énergie.

B – Une vision faussée des énergies renouvelables

Pour les auteurs, un mix énergétique 100% énergies renouvelables, c’est revenir 200 ans en arrière, c’est l’esclavage, les moulins à vent et le retour à la bougie [page 36…].

Pourtant les scénarios récemment publiés par RTE (Réseau Transport d’Electricité) ou l’Ademe (Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) ne prévoient pas le retour à l’esclavage mais bien la possibilité de faire fonctionner une économie moderne avec un mix électrique comprenant 100% de renouvelables. Des centaines de publications scientifiques dans le monde attestent de la possibilité de produire une électricité issue à 100% des énergies renouvelables à horizon 2050.

Le rapport de RTE aboutit aux mêmes conclusions que des précédents rapports de spécialistes (comme celui de l’Ademe en 2015 ou négaWatt 2017) : un mix électrique 100 % renouvelable est possible. Bien sûr des investissements massifs dans les énergies renouvelables et dans les économies d’énergie devraient être faits, en réorientant par exemple les investissements colossaux actuellement prévus dans les nouveaux réacteurs nucléaires vers les renouvelables et les moyens de stockage de l’électricité.

Les scénarios de l’Ademe et de Negawatt, contrairement à l’étude de RTE qui se concentre uniquement sur l’électricité, s’intéressent eux à la question de l’énergie dans son ensemble, incluant à la fois l’électricité, les transports, l’industrie, le chauffage, etc.

Pour l’Ademe, le mix électrique français en 2050 devra être composé à minima de 72 % de renouvelables, et jusqu’à 97 % dans certains scénarios. 

Le scénario de transition énergétique négaWatt 2022 qui a été publié par l’association fin octobre 2021 s’articule autour de trois valeurs essentielles comme piliers de la transition écologique pour 2050 : sobriété, efficacité et énergies renouvelables.

Problèmes d‘intermittence ?

Pour les auteurs de la BD, les problèmes d’intermittence posés par les énergies renouvelables ne peuvent être résolu que par l’utilisation d’une énergie pilotable décarbonée : le nucléaire. JMJ récuse le scénario 100 % renouvelables de RTE parce qu’il ne serait pas possible de remplir les 4 conditions nécessaires selon RTE :

  • compenser la variabilité des énergies solaires et éoliennes (qui seraient alors les principales sources d’électricité),
  • maintenir la stabilité du réseau,
  • être capable de reconstituer des réserves et des marges d’approvisionnement,
  • faire évoluer considérablement un réseau électrique (aujourd’hui adapté à des productions nucléaires centralisées).

Ces conditions posées par RTE ont pourtant des réponses déjà opérationnelles. JMJ ne tient pas compte de plusieurs facteurs :

  • la technologie des éoliennes et des capteurs photovoltaïques a beaucoup progressé et elle va continuer de le faire. Selon RTE les éoliennes terrestres, comme celles que l’on voit couramment dans nos campagnes, produisent entre 4000 et 4500 MWh par an dans des conditions normales de vent, soit l’équivalent de la consommation électrique de 1000 ménages français. La nouvelle génération que l’on installe aujourd’hui est nettement plus performantes, elle peut produire le double de leurs prédécesseurs, soit entre 7000 et 9000 MWh par an dans les contrées où la force des vents est moyenne.
  • les énergies renouvelables se complètent entre elles. Lorsque le vent ou le soleil font défaut, la géothermie, la biomasse, l’hydro-électricité peuvent prendre, et prennent, le relai.
  • les réseaux de transport et de distribution d’électricité sont conçus pour capter et distribuer l’électricité d’où qu’elle vienne.
  • on peut noter aussi : la multiplication à venir des interconnections entre pays, le foisonnement des centrales éoliennes et photovoltaïques, les systèmes de stockages d’électricité et la gestion de la demande via les réseaux intelligents, pour compléter la palette des options possibles pour sécuriser l’approvisionnement en électricité verte.

En 2020, le Danemark a couvert 82,3% de ses besoins électriques par les renouvelables, l’Autriche 81%, la France 26,9selon RTE.

Il faut s’entendre sur le terme intermittence qui n’est pas approprié car la production attendue des énergies ‘variables’ peut être déterminée par les gestionnaires de réseau plusieurs jours à l’avance…
Une étude rendue publique en janvier 2020 par le groupe français Engie appuie la théorie du foisonnement qui est la capacité que pourrait avoir la production d’une zone climatique de compenser un excès ou un déficit de production dans une autre zone climatique, notion qui s’applique à l’éolien comme au solaire. Basée sur une analyse de 20 années de données météo enregistrées heure par heure sur chacune des façades maritimes du pays (Manche, Atlantique, Méditerranée), l’étude démontre que les régimes de vent y sont complémentaires dans le temps et qu’il y aura un foisonnement de la production des futurs parcs éoliens offshore projetés sur les 3 côtes.

Il est bien sûr important d’interconnecter les différents réseaux électriques des pays européens pour transporter instantanément le courant d’une zone qui bénéficie d’un surplus d’électricité vers une autre qui est en déficit. Les échanges d’électricité entre pays sont rendus possibles par des câbles à haute tension, parfois sous-marins, avec peu de pertes : 3 % pour 1 000 km. Une directive européenne impose d’ailleurs à chaque Etat membre de disposer d’ici 2030 d’une capacité d’interconnexion électrique d’au moins 15 % de sa production installée

Un autre outil, l’effacement, permet aux gestionnaires d’éviter le déséquilibre d’un réseau entre l’offre et la demande d’électricité. Appelé « gestion active de la consommation », il consiste à réduire temporairement les consommations de sites industriels ou de groupes de consommateurs, ceux-ci étant disposés à le faire contre rémunération… Cet effacement permet donc de piloter à distance la demande pour maintenir une tension constante, sans devoir recourir à des centrales pilotables comme le nucléaire ou les centrales thermiques..

Enfin la transition énergétique s’accompagne évidemment d’un développement important des solutions de stockage de l’électricité. Parmi celles-ci on peut citer les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP), les systèmes de stockage gravitaire, les batteries géantes, la production d’hydrogène vert ou les volants d’inertie.

L’Australie inaugurera en 2026 la plus grande STEP du monde. La France, elle, met de côté de tels projets, par exemple dans le Massif Central.

Déni et aversion des énergies renouvelables

Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici donnent peu d’informations sur le coût comparé des énergies renouvelable et du nucléaire. Alors que le coût du MWh nucléaire s’envole, le coût de production éolienne ou solaire continue de chuter, pour atteindre six fois moins que les coûts annoncés pour l’EPR de (Hinkley Point C au Royaume-Uni). Les filières renouvelables devraient même avoir remboursé à l’Etat 14,4 milliards d’euros d’ici à 2024. Si les énergies renouvelables ont nécessité l’aide de l’état, Il faudra revoir à la baisse le coût potentiel de 120 milliards jusqu’en 2040 évalué par la Cour des Comptes en 2018.

Les auteurs nous expliquent aussi que l’usage des énergies renouvelables croit moins vite que celui des énergies fossiles à l’échelle mondiale. Or c’est l’inverse qui se produit et qui va s’accentuer. Les investissements restent certes plus importants dans les fossiles que dans les énergies renouvelables mais leur progression (10%) est un peu plus lente. l’Agence internationale de l’énergie (AIE) anticipe une hausse de 12% des investissements dans les renouvelables en 2022, comme en 2021, et prévoit un raz de marée des énergies vertes. Le scénario Net Zéro de l’agence de l’OCDE parie sur le fait, à l’horizon 2050, que 90% de l’électricité mondiale puissent être produites par les énergies renouvelables.

JMJ nous indique que les énergies éolienne ou solaire consommeraient de 10 à 100 fois plus de matières que l’énergie nucléaire (métaux, béton) au kWh d’électricité produite [page 131]. Le facteur de comparaison est plutôt de l’ordre de 3 pour le béton : le nouvel EPR devrait mobiliser, une fois sa construction terminée, environ 450 000 m3 de béton, soit 1,1 million de tonnes de béton, et cela pour une production annuelle de quelques 11TWh. La même production électrique éolienne nécessiterait 2250 mats de 2,5MW, soit de l’ordre de 3,3 millions de tonnes de béton (en acceptant une approximation défavorable de 1500 tonnes par éolienne). Encore faudrait-il vérifier que le calcul de béton pour les centrales nucléaires tient compte de tous les ouvrages, entre autres pour acheminer l’eau des cours d’eau vers le turbinage (un canal d’amené bétonné de 10 km pour Golfech), ou encore la quantité de béton utilisé par la filière dans son ensemble, La Hague, Cigeo, la liste est longue… Selon l’ANDRA Cigeo a besoin de 6 000 000 M3 de béton soit l’équivalent de plus de 13 EPR…

Voici un autre exemple de l’aversion des auteurs pour les énergies renouvelables : selon eux si la France doit produire l’intégralité de son électricité à partir d’éoliennes, il en faudrait tous les kilomètres [page 127]. Aucun pays n’envisage de produire 100% de son électricité à partir de l’éolien : la France, en prévoit la construction de 15 000 d’ici à 2050 ; en Allemagne, les électriciens (et les coopératives citoyennes !) en ont érigé 29 000 produisant 22,7 % de l’énergie électrique du pays. On est loin des 358 000 (l’Allemagne fait 358 000 km²) qui seraient préconisé par les auteurs en suivant leur logique. En France en 2019, le parc éolien a produit 34,1 TWh soit 6,3 % de la production d’électricité. 

Cela fait au final déjà beaucoup de mensonges et d’approximations grossières, les allégations de JMJ et des ses amis mériteraient d’être systématiquement vérifiées.

Les énergies renouvelables ont certes des défauts (elles ne tournent pas tout le temps et elles prennent de la place), mais elles ont aussi des qualités : contrairement au nucléaire elles ne produisent pas de déchets dangereux sur le long terme. Ce point de vue est absent chez les auteurs de la BD. Les 40 % d’économies d’énergie préconisés par l’ADEME ou Négawatt sont aussi « omis ». Sans doute parce parce que le but de l’ouvrage est de tenter de démontrer que le nucléaire est inévitable pour la transition énergétique, alors que l’éolien et le photovoltaïque pourrait être déployés rapidement pour peu qu’une volonté politique se manifeste, et se réalise.

C – Des chiffres et des faits manipulés

Après des pic d’erreurs dans son analyse sur le pétrole, «l’écologiste» JMJ se transforme en camelot du nucléaire pour le match nucléaire contre renouvelables

Nucléaire Vs renouvelables : quand l’écologiste se transforme en camelot du nucléaire

Pour comparer les énergies les auteurs de la BD affichent un tableau [page 161) reprenant pour chaque énergie leur valeur EROEI (le terme français TRE – taux de retour énergétique – n’est jamais utilisé). L’indicateur TRE prétend représenter la quantité d’énergie produite en comparaison de la quantité d’énergie qu’il a fallu consommer pour la rendre disponible : plus le ratio est élevé mieux c’est ; inférieur à 1, le système consomme plus d’énergie qu’il n’en produit. L’utilisation de cet indicateur est souvent décrié car il « compare trop souvent des pommes et des oranges ». JMJ indique pour les renouvelables des TRE diminués, 5 pour le photovoltaïque et 10 pour les éoliens, alors que des valeurs bien supérieures leurs sont habituellement attribuées (20 à 50). Encore une façon de dénigrer les énergies renouvelables.

Pour JMJ [PAGE 159] utiliser les centrales nucléaires pour suppléer aux problèmes d’intermittence des renouvelables coûte très cher, « leur coût de fonctionnement reste le même » affirment-il. Pour cette raison il faudrait préférer le nucléaire aux renouvelables. C’est une conclusion fragile car on peu en déduire l’inverse : arrêter un nucléaire qui coûte cher et présente de nombreux inconvénients serait la bonne solution. En effet comme vu ci-dessus il y a d’autrres solutions que le nucléaire pour pallier à l’intermittence des renouvelables : interconnection, stockage, STEP, effacement, foisonnement, complémentarité des renouvelables entre elles… Si cela est insuffisant sans doute faut-il accepter le fait que l’énergie est en quantité limitée, et donc qu’il est acceptable d’avoir des interruptions de fourniture d’électricité, interruptions qui pourraient d’autant mieux être réduites que les solutions évoquées seraient mieux développées.

Comme nous l’indique Bernard Laponche, polytechnicien, docteur ès sciences en physique des réacteurs nucléaires,« à trop vouloir promouvoir le nucléaire en discréditant les énergies renouvelables, on freine leur déploiement pourtant demandé par nombre de pays et par l’Agence Internationale de l’Énergie. »

L’énergie nucléaire est trop sale et trop dangereuse pour que l’on puisse consciemment y avoir recours. On en sait si peu sur les effets des faibles doses. En France on ne peut pas connaître les conséquences sanitaires et épidémiologiques du fonctionnement des centrales nucléaires car il n’existe tout simplement pas en France de registre national des cancersdes études dans d’autres pays ont démontré une augmentation notable des cancers et de la mortalité infantile jusqu’à plusieurs dizaines de kilomètres autour des centrales nucléaires.

Selon JMJ le nucléaire nous mettrait à l’abri de la dépendance aux hydrocarbures. C’est en effet pour cette raison que Valéry Giscard d’Estaing a lancé le programme nucléaire civil en France en 1974 (un an après la crise pétrolière). En 2020 la France a acheté 6 282 t d’uranium, principalement auprès du Niger (34,72 %), du Kazakhstan (28,95 %), de l’Ouzbékistan (26,43 %) et de l’Australie (9,91 %). Difficile aussi de parler d’indépendance énergétique quand plus de 55 % de l’uranium consommé en France transite par la Russie…

Pour JMJ, comme il le répète à longueur de médias, les renouvelables ne peuvent être qu’un pis-aller en attendant le tout nucléaire. Mais si on décide de faire des EPR, il faut savoir que si leur durée de vie est estimée à près de 60 ans, cela veut dire que l’on est en train de prendre dans la précipitation des décisions extrêmement importantes pour notre système énergétique pour près d’un siècle. Comment imaginer que des engins aussi complexes, chers et présentant de nombreux défauts soient encore pertinents à la fin du siècle ? L’état français aurait pu compenser plus que largement la fermeture de Fessenheim s’il avait tenu ses objectifs en matière de renouvelables et de sobriété. Comme par hasard il ne l’a pas fait, comme par hasard une grande partie du parc nucléaire français est à l’arrêt suite aux problèmes de fissures CSC, qu’EDF connaissait depuis longtemps, alors que la corrosion pesait déjà sur la sécurité depuis des dizaines d’années…

On aurait sciemment voulu mettre le feu et créer un vent de panique pour imposer une porte de sortie condamnée, le nucléaire, on n’aurait pas mieux fait. Là où les renouvelables suffiraient les multinationales vont pouvoir gagner sur les 2 tableaux et construire les 2 : un fort développement inéluctable des renouvelables pour attendre la disponibilité d’un nucléaire à construire dès maintenant… pour abandonner au final les renouvelables. De quoi mettre ces mutinationales à l’abri d’une décroissance que Jancovici sait inéluctable…

Le développement des renouvelables peut aider à un nouveau développement des territoires, y créer de nombreux emplois, permettre d’y disposer d’une énergie contrôlée localement et participant à la relocalisation de nombreuses productions devenues plus difficiles à faire parvenir de lointaines contrées, exit Amazon. Jancovici sait et affirme que le transport aérien doit fortement diminuer : il est inéluctable que les trajets cours soient interdits et que le transport aérien doive payer les mêmes taxes sur l’énergie que les usagers de l’automobile. L’importance du lobbying des multinationales, auprès d’un état incompétent en matière de nucléaire et qui n’écoute que la voix de ces soi-disant ‘spécialistes’, pose un vrai problème d’influence et donc de démocratie. Qu’a-t-on fait aux États-Unis pour diminuer l’importance et l’influence des multinationales, une loi anti-trust ? Voilà qui décarbonerait efficacement l’économie française et nous rapprocherait d’une ‘synthèse sociale basée sur des décisions locales’, plus compatible avec le respect de l’environnement et un avenir vivable. 

JMJ par son acharnement à dénigrer les renouvelables porte une grande responsabilité dans ce désintérêt pour les renouvelables.

Insérez dans le médaillon le portrait d’Emmanuel, celui de Jean-Marc, ou… le vôtre.

D – Conclusion

Le Shift Project de Jean-Marc Jancovici a publié son PTEF, Plan de Transformation de l’Économie Française, qui selon ses concepteurs est « un vaste programme opérationnel pour nous emmener vers la neutralité carbone ». Pour ce PTEF produire plus devient impossible du fait de la fragilisation de l’appareil productif. Face à cette contrainte une seule solution : l’État comme forme unique d’organisation collective.

Pour cela tout doit devenir électrique, le chauffage, les transports, la production industrielle, afin de se rendre indépendant des énergies fossiles à l’horizon 2050. Cela suppose pour JMJ, le maintien des capacités de production nucléaire actuelles et la construction de nouvelles centrales…
Mais ce ‘merveilleux programme’ ne nous fait pas sortir de l’énergie fossile : en 2050, 27 % de l’électricité ne serait toujours pas décarbonée et le pétrole compterait encore pour 30 % de la consommation finale d’énergie hors électricité (selon le PTEF page 56).

On comprend que le but de ce projet est ailleurs : protéger au moins provisoirement les élites et les grandes entreprises d’un chaos écologique, qui lui est en pleine croissance. On retrouve parmi les financeurs du Shift Project (https://theshiftproject.org/gouvernance/ onglet ‘nos financeurs’) des entreprises comme SPIE, Bouygues, Vinci etc. Le ticket d’entrée de l’association commence à 10 000 €.

On comprend que pour ces entrepreneurs il y a beaucoup à gagner dans la construction de nombreux EPR, et que le lobbying de JMJ représente un moindre coût. Peu leur chaut que ces EPR ne puissent pas fonctionner une fois construits (achevés trop tardivement ou manque d’eau pour les refroidir, par exemple), puisque eux auront touché leur bon argent. C’est par compte un prix élevé pour le contribuable qui devra remettre la main au pot pour financer un nouveau plan énergétique, de renouvelables avec un peu de chance et s’il en est encore temps et que ces entrepreneurs se proposeront volontiers de construire. S’il nous reste de quoi se payer mieux pour nous éclairer que… des bougies.

Ce que craignent JMJ et ses financeurs c’est que le développement des énergies renouvelables développe en même temps l’idée de relocalisation et de développement des territoires, ce qui est moins compatible avec le développement des multinationales. Si les énergies renouvelables couvrent, en 2020, 82,3 % des besoins en électricité du Danemark c’est probablement lié à un réel engagement local et que la plupart des capacités éoliennes et solaires sont détenues par des individus, des coopératives ou des communautés. Si à chaque fois que la turbine tourne, cela met des euros dans votre poche, ça motive !

TotalEnergies annonce sur le petit écran avoir réalisé 0,37 % de son énergie en renouvelables et le reste en fossiles, quel magnifique résultat 7 ans après les accords de Paris. C’est un aveu que les entreprises sont obligées d’obéir au sujet automate de l’économie, la création de valeur. La transition écologique serait-elle une impasse ? Peut-elle être encore autre chose qu’un discours de gouvernement, qui nous dit : « La situation est sous contrôle, ne vous inquiétez pas nous allons nous en sortir » ?

Les auteurs accusent les antinucléaires [page 162] de proposer « n’importe quelle connerie, tant qu’elle n’existe pas encore elle n’a pas d’inconvénient ». Le ‘parachute ventral’ des auteurs est lui bel et bien en flammes quand bien même il n’a pas encore touché le sol. Le propre d’un parachute n’est pas d’empêcher la chute mais de la ralentir. Les antinucléaires, qui sont en général gens modestes, quand ils ont survécu aux coups de matraque ce qui ne fut pas le cas de Vital Michalon, pour la plupart mettent déjà en pratique, dans leur quotidien le monde de sobriété qu’ils proposent.

En conclusion, Jean-Marc Jancovici défend le système économique et politique à l’origine des crises écologique, économique et sociale qui ne cessent de s’accentuer. C’est une vision réactionnaire qui se cache derrière un discours, en apparence, écologique. Une posture qui consiste finalement, au bord de la falaise, à ne voir que le « pognon de dingue » (pour citer Emmanuel) qui reste à gagner par ses amis, et pas vraiment le précipice. Posture aussi le fait d’’oublier le lien montré clairement par Emmanuel Macron le 8 décembre 2020 au Creusot : « Sans nucléaire civil, pas de nucléaire militaire, sans nucléaire militaire, pas de nucléaire civil.»

Un monde sans lendemain.

Le nucléaire, les multinationales et l’état sous influence, ne sauveront pas le climat, ils vont aggraver les désordres climatiques et leurs conséquences sociales !

En guise d’épilogue

de Pierre Kung

Cette conclusion vous semble malveillante, voire complotiste ? Vous préférez appliquer à son auteur la remarque qu’il fait concernant les économistes accrochés envers et contre tout à la croissance ? P87 : Christophe Blain ( le scénariste) demande «  c’est du déni ou de l’ignorance ? » réponse de JMJ : « Dans un premier temps, c’est de l’ignorance ; lorsqu’ils réalisent ça devient un déni ». Difficile quand même de croire que notre polytechnicien passe à côté de tous les éléments développés ci-dessus, et devienne en quelque sorte « l’idiot utile » du système – comme l’a été Nicolas Hulot dans le grand show du spectacle qui nous est servi pour que les bases actuelles ne soient pas remises en question, et qu’il est en train de remplacer dans les médias-et un jour au gouvernement ? ( Et qu’il soit bien établi que le présent travail vise les analyses et les données qui la sous-tendent, le jugement sur la personne n’est pas notre propos.)

Ou alors il faut faire intervenir le formidable formatage que nos « élites » subissent durant leur longue formation, ( et qui d’ailleurs n’est que la forme paroxystique de celui que nous subissons tous et toutes…) : cela aboutit à la religion du progrès, cela s’appelle le scientisme : le transfert du sacré à la science.

C’est le grand récit ambiant, le présupposé de toute réflexion -d’ailleurs, c’est bien connu, on n’arrête pas le progrès (sauf que si on ne fait pas, c’est lui qui nous arrêtera…).C’est une évidence, c’est mieux maintenant, quitte à caricaturer le passé (p45 : le paysan passé, «  30 ans d’espérance de vie, s’effondre sur une paillasse parmi ses enfants après une journée de labeur à ramasser les patates » -ok, idéaliser le passé est excessif, mais l’inverse ne l’est-il pas aussi?)

Bref, si vous sentez comme un malaise à cette petite musique qui sous-tend le propos, il sera pertinent d’aller revisiter l’imaginaire dans lequel nous baignons tous, et qui a pour base justement le déni de réalité, la transgression des limites (casser l’atome par exemple, ou manipuler les gènes), le tout expression achevée d’un sentiment de toute-puissance infantile.

Et dans cette optique, il n’est pas étonnant qu’après une analyse magistrale de l’impasse dans laquelle nous sommes fourvoyés, et du mur vers lequel nous nous précipitons ( nous y reviendrons), la solution qu’il propose soit une accélération de la fuite en avant technologique ( jusqu’à affirmer, contre-vérité qu’on ne peut sous sa plume que qualifier de mensonge, que l’avenir est dans les surgénérateurs, « ça existe déjà dans le monde en exploitation courante, c’est une technologie maîtrisée »(sic)  p149 ). Parce qu’au final, sous le couvert habile de présenter la relance du nucléaire comme transitoire, « un gros parachute ventral »(p181), c’est bien la poursuite de la conception d’une énergie facile qu’il nous vend ( p127, pour dénigrer les énergies renouvelables, il met sur le même plan l’accès permanent à une bière fraîche et le fonctionnement d’un bloc opératoire – implicitement, cela veut dire qu’on ne peut envisager de se passer d’une bière fraîche à tout moment, même au prix de la production de déchets nucléaires ; il est vrai qu’ils ne sont pas dangereux, et puis, « on chie bien tous les jours »p146) .Et conforte ainsi notre perception que l’énergie sera toujours une ressource disponible à tout moment, en oblitérant toute prise de conscience de l’urgence qu’il y a à changer de cap, nécessité pourtant au cœur de la première partie.

Après, et ce n’est pas revenir sur l’ensemble de ce qui a été développé ci-dessus, on peut accorder à l’ouvrage une présentation pertinente et pédagogique de la situation actuelle, que ce soit notre addiction à l’énergie (p13), avec l’image parlante des esclaves énergétiques (p43), l’évocation que notre bilan que nous voulons flatteur de l’évolution de notre bilan carbone provient en grande partie de nos importation de Chine (p39),la critique des économistes(p84),un regard sur l’alimentation (p166) , les transports(p172) et le logement (p180)sans occulter notre impact sur l’environnement(p59) ; ou bien, même si ça gratte plus, la place de l’énergie (p14) et de la nourriture(p70) dans notre budget, le rôle de la démographie (p59), et surtout la critique de l’idée que « renouvelables , ça veut dire sans défaut »(p160), sujet que nous n’aborderons pas ici, le réservant pour un autre débat !!!

On peut même lui concéder comme recevable l’affirmation que (p30) : « choisir une énergie, c’est choisir un type de transformation avec des avantages et des contreparties » ( si bien sûr on n’occulte pas de manière éhontée comme il le fait une partie des « contreparties », par exemple la gestion des déchets nucléaires…). Mais, diable, comment concilie-t-il ce genre de déclaration ô combien bien vue : (p62) : «  avant la mécanisation, l’outil est un auxiliaire de l’homme. / l’homme dictait son rythme à l’outil  ; avec la machine, c’est l’inverse ») avec la technologie nucléaire ?

On regrettera aussi que si souvent il met un éclairage intéressant dans le rapport individu/collectif (par exemple, p170, à propos des agriculteurs : « mais il ne faut pas faire porter aux gens qui ont incarnés un système un chapeau qui revient à la collectivité toute entière), les rapports de forces politiques sont quasi absents de ses refléxions (p83 : CB: « il y a eu des luttes aussi ; JMJ : oui, mais ces luttes ont vraiment débouché sur un gain de confort pour l’ensemble de la société quand l’énergie abondante est entrée dans la danse /elles ne sont pas le seul résultat de notre volonté de bien faire. ») On aura compris que la lutte des classes n’est pas sa tasse de thé, et nous emprunterons aux camarades de l’atelier paysan, dans leur ouvrage « reprendre la terre aux machines », cette critique de la doxa ambiante qu’ils appellent le solutionnisme, et qu’ils définissent ainsi: « puisque le problème n’était pas politique, c’est qu’il était technique. Puisqu’il y avait des solutions , c’est qu’il n’y avait pas de vrai problème ». : elle s’applique bien ci.

Mais acceptons avec JMJ (p47), après tout, c’est humain. (Mais c’est bien justement le caractère faillible inhérent à la condition humaine qui est une condition suffisante pour récuser a priori le recours à l’énergie nucléaire : son argumentaire concernant l’impossibilité d’un Tchernobyl ou d’un Fukushima en France est pathétique : nos élites avaient-elles prévues l’isolation du Blayais pendant les inondations de 1999 ? Nous sommes ici en présence caractéristique de l’orgueil prométhéen, l’hybris des grecs, mâtinée d’un brin de cororico français)

Bon, nous disions que notre propos n’était pas le procès de la personne, qui a droit comme chacun à ses contradictions. Nous avons les nôtres. Tout en continuant à dénoncer sans relâche le caractère criminel que représente en soi le programme nucléaire ( la rédemption par le nucléaire, il fallait l’oser p165), rien ne nous empêche de tirer partie des bribes d’analyses qui sont au service de notre « combat pour la vie », et en premier lieu la nécessité de changer notre mode . ..de vie : c’est possible, pour l’alimentation, pour les transports, sans héroïsme ; commençons par arrêter les bêtises.Un préalable est de prendre conscience de notre dépendance, à la fois individuelle et collective, et de réagir de manière individuelle et collective, en même temps . Filons l’exemple de l’accro à l’héroïne (la bonne fée électricité?) : bien sûr, la réalité du junky, celle pour laquelle il est prêt à exploser le monde ( nous y sommes), c’est le besoin absolu de sa dose. Et pourtant…

Et pourtant si « nos désirs sont sans limites » (p91), la manière de les réaliser n’est nullement corrélée à la consommation d’énergie, ni à celle du PIB) : que l’on pense à la créativité potentielle contenue dans une simple boîte de crayons de couleurs ; ou à la contemplation d’une fleur (sans avoir le besoin irrépressible de la fixer sur son ordiphone pour lui faire traverser le monde) ou de la pousse d’un brin d’herbe ; ou encore plus simplement celle d’un ciel bleu. Ou avec des nuages. Ces merveilleux nuages…

Pierre Kung


Pour aller plus loin :
Analyse critique page à page de la bande dessinée “Le monde sans fin” / de Stéphane His

Jean-Marc Jancovici: la mauvaise solution à un bon questionnement

Transition énergétique : le foisonnement pour les nuls.

Déconstruire le discours de Jancovici

Jean-Marc Jancovici, une propagande pronucléaire à démasquer

« On ne parle pas assez du génie de Jean-Marc Jancovici »

Jean-Marc Jancovici : « Je ne suis pas un scientifique »

Jean-Marc Jancovici, polytechnicien réactionnaire

« Jancovici… une imposture écologique ? »

Nucléaire : les allégations mensongères de Jean-Marc …