de Monique Guittenit – Stop Golfech
L’été 2022 nous met en face d’une réalité : « Les dommages économiques causés par les vagues de chaleur et la sécheresse pourraient surpasser l’impact de la crise énergétique traversée par l’Europe » , a mis en garde le directeur de l’Agence spatiale européenne (ESA), qui appelle « à une action urgente pour lutter contre le changement climatique ». (1) Face à ces 2 crises majeures, la crise énergétique traversée par l’Europe et la crise climatique mise en évidence cet été, que donne l’énergie nucléaire présentée comme un bouclier en France et une énergie verte en Europe ?
Tempête, car les centrales nucléaires ont besoin d’eau pour leur refroidissement , même à l’arrêt, souffrent du dérèglement climatique entraînant des sécheresses accrues et contribuent à l’assèchement des fleuves : « Il est plus que temps de se poser la question de la gestion et du partage de l’eau » . A l’heure où les restrictions d’utilisation de l’eau sont posées notamment l’irrigation à partir de la Garonne, Golfech continue à prélever 12 % de l’eau de Garonne pour refroidir ses réacteurs ; de plus 1/5 de ces prélèvements sont perdus en évaporation. 220 millions de m3 sont turbinés par le CNPE de Golfech tous les ans, soit environ l’usage de l’eau pour l’agriculture de la Garonne et de tous ses affluents durant un an…. (voir graphiques SMEAG page suivante)
Tempête, car pollution accrue de l’eau : dans cette période de basses eaux et « d’eau chaude » il y a davantage de rejets chimiques utilisés dans les centrales pour lutter contre les proliférations de légionelles mais aussi des amibes comme la Naegleria fowleri responsable de la méningo-encéphalite. Donc une eau prélevée pour l’industrie nucléaire « verte » mais aussi davantage polluée qu’habituellement . « À l’heure où l’eau est un enjeu majeur et crucial pour les décennies à venir, continuer dans la voie du nucléaire est tout simplement absurde et préjudiciable pour l’environnement ». En effet l’eau plus chaude contient moins d’oxygène ce qui nuit à la faune aquatique ; l’eau plus chaude entraîne la prolifération des algues, de bactéries comme les légionnelles. En juin 2022 EDF a signalé 3 fois plus de légionnelles dans le circuit de refroidissement de la centrale nucléaire de Belleville sur la Loire que la norme autorisée (2) : qu’en est-il de Golfech ? Parle-t-on bien du nucléaire considéré comme une énergie verte par le parlement européen fortement influencé par la France ? (photos W.Soubiran)
Tempête, car réchauffement de l’eau par les rejets des centrales nucléaires : le comparatif entre la température amont de la centrale de Golfech et l’aval est truqué . EDF mesure la température amont sur le canal de béton de 10 km qui approvisionne la centrale de Golfech : ce canal d’amenée réchauffe tellement l’eau que l’on peut y observer ( en bas à droite sur carte CLI 2006). ) des couleurs indiquant des températures identiques à celles du point de rejet de la centrale pendant que le bras naturel de la Garonne est beaucoup plus frais.. Les normes des rejets autorisés et du réchauffement des fleuves par les centrales nucléaires ont été fixées par EDF, validées par l’Autorité de Sûreté Nucléaire, et déjà réévalués depuis la sécheresse de 2003.. Elles varient selon les centrales et le fleuve et pour Golfech donc 0,3°de moyenne estimée par heure, il ne s’agit pas d’une mesure….
Tempête, car les arrangements avec les normes établies par EDF (!) ont été accordés par l ’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) jusqu’au 24 juillet, puis au 7 août et maintenant au 11 septembre pour 5 centrales dont Golfech. Ces «arrangements se font au détriment de la biodiversité, et du respect de l’environnement» comme démontré p.1.
Tempête, car les centrales nucléaires renforcent le dérèglement climatique en réchauffant l’eau des fleuves, la gaspillant et en renforçant les rejets de chaleur aussi dans l’atmosphère : une centrale nucléaire rejette les 2/3 de la chaleur qu’elle produit. Le contraire d’une énergie efficace. A l’échelle de la France, par exemple, la chaleur rejetée par l’ensemble des réacteurs nucléaires en fonctionnement en 2017 (828 TWh) correspond à plus de 2,3 fois les consommations d’énergies finales pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire de la totalité des logements (357 TWh)[5]. Si l’on ajoute aux rejets de chaleur l’électricité produite qui se dégrade au final en chaleur, en 2017, l’ensemble des réacteurs nucléaires français a émis 3,3 fois la chaleur dégagée pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire de l’ensemble des logements. https://blogs.mediapart.fr/francois-vallet/blog/091121/l-energie-nucleaire-rechauffe-la-planete-et-le-climat
Tempête, car le réchauffement malmène certains équipements des centrales nucléaires notamment les diesels de secours très vulnérables à la chaleur (com Sortir du Nucléaire 18-8-22)
Tempête, car le nucléaire n’assure pas notre production électrique malgré son soutien incessant par les gouvernements successifs. C’est une énergie intermittente bien que non renouvelable. EDF connaît sa plus faible production depuis 30 ans : 12 réacteurs sont arrêtés pour des problèmes de corrosion de pièces et 18 autres pour des arrêts de maintenance, de rechargement du combustible comme Golfech1. Ce réacteur a aussi des problèmes de corrosion donc arrêt plus long. L’arrêt de plus de la moitié des 56 réacteurs français se fait au moment où l’Europe connaît sa plus grave crise énergétique avec la guerre en Ukraine, Le mégawattheure se négocie entre 400 et 500€ alors que l’an dernier à la même époque il était à 89€. Ainsi RTE a demandé que les 5 centrales nucléaires supplémentaires ne soient par arrêtées d’où les «arrangements» avec les normes et l’environnement. Comment ne pas s’inquiéter sur ce qui se passera cet hiver lorsque les besoins seront accrus, que la crise sera plus aigue, bafouera-t-on des normes de sécurité ?
Tempête, car cette énergie inefficace, bafouant l’environnement et des biens précieux comme l’eau, rend le pays qui possède des centrales nucléaires vulnérable en cas de conflit. La guerre en Ukraine avec les enjeux plus qu’inquiétants autour de 2 centrales nucléaires ukrainiennes nous le démontre quotidiennement.
Tempête, car les incendies récents ont menacé la centrale de St Alban (Isère) et le centre du CEA à Saugnac et Muret (Landes, Gironde) qui garde des déchets et produits radioactifs http://tchernoblaye.free.fr/contaminations.htm
Tempête, car l’énergie nucléaire pénalise pour l’utilisation de l’électricité pendant quelques décennies (production depuis 1975 environ) les générations futures qui gèreront le démantèlement et les déchets nucléaires pour lesquels aucun pays n’a trouvé de solution. En France projet CIGEO de Bure refusé par la population et de nombreuses instances. Le nucléaire est le symbole du système qui nous conduit dans le mur.
Tempête, car le nucléaire civil n’a été développé que pour assurer des produits radioactifs utilisés dans les armes nucléaires. 59 Etats ont ratifié le Traité d’Interdiction des Armes Nucléaires et en 2018 63% des Français étaient favorable à ce traité (icanfrance.org).
Oui la situation actuelle est difficile mais ce n’est pas en persistant dans le nucléaire qu’est la solution. Dans de telles conditions, qui vont forcément se dégrader dans le mauvais sens, on ne peut passer outre aux règles de fonctionnement, déroger aux normes établies en les ajustant de manière à faire fonctionner ce nucléaire “coûte que coûte “. De plus, l’option de relancer la programmation du nucléaire pour les besoins énergétiques futurs est un non sens, si l’on tient compte de la crise climatique permanente et aggravante . Cette situation nouvelle prouve l’impuissance et l’impasse dans laquelle le nucléaire est enfermé. Dans les conditions, la décision unilatérale prise par le politique de poursuivre avec le nucléaire est un risque majeur à tous les niveaux !
Aucune solution n’est exempte de pollutions mais nos choix privilégient une faible pollution. La population est partie prenante des choix et ceux –ci ne mettent pas en danger les générations futures. Il s’agit d’amplifier et favoriser toutes les mesures individuelles et collectives qui permettent de conjuguer autonomie, justice sociale et préservation du vivant. Les lois doivent s’inscrire dans cette démarche.
Pour une France neutre en carbone en 2050
Réduire par 2 la demande d’énergie et faire un “choix de société” (pistes de Négawatt et de l’ADEME(1)
– une sobriété plus concertée
– un soutien aux circuits de proximité, au commerce équitable
– une isolation globale des logements en matériaux biosourcés et des bâtiments positifs (qui produisent plus qu’ils consomment) – l’obsolescence remplacée par la durée de vie et la réparabilité…
– une mobilité durable : vélos, transports publics , l’autopartage, le transport à la demande, le covoiturage ou tout autre service de mobi-lité innovant, les transports ferroviaires, fluviaux et maritimes, combinés ou non pour les transports de marchandises. – un retour des villes moyennes où tout est accessible…
– des puits de carbone pour capter par exemple le CO2 des industries lourdes permis par l’agroécologie, les forêts, les prairies et « zéro artificialisation nette »
– donner à chaque kWh électrique industriel économisé les mêmes conditions économiques qu’un kilowattheure produit par l’EPR de Flamanville(110 euros/le MWh ).
Rechercher en permanence l’efficacité énergétique : prendre pour un usage la solution qui demande le
moins de pertes en énergie : exemple chauffer directement par une sour-ce de chaleur et non par l’électricité.
Une centrale nucléaire ne transforme que le 1/3 de la chaleur produite en électricité, tout le reste est rejeté, c’est le contraire d’une technologie efficace. L’électricité doit être utilisée pour les usages pour lesquels elle ne peut pas être remplacée et sans gaspillage.
Produire avec des énergies renouvelables Accaparé par le nucléaire, l’Etat français les a négligées.. En 2009, l’Europe avait fixé à chaque Etat membre un objectif à atteindre fin 2020 pour la part des renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie. Eurostat, l’institut européen de statistique, vient de révéler les résultats : tous les pays ont atteint et même souvent dépassé leur objectif, sauf un : la France !
La France a été condamnée pour son inaction contre la pollution de l’air , préjudice écologique (Tribunal administratif, Affaire du siècle, 14-10-21) .
Pas de fausse solution : si l’hydrogène est utilisé il ne doit être produit qu’avec des renouvelables.
Par contre les coopératives et projets citoyens favorisés (2)
Choisir un fournisseur d’électricité renouvelable est important. D’après Greenpeace, 3 sur 19 sont fiables : Enercoop (3), Energie d’Ici, et Ilek ; ils soutiennent de plus les petits producteurs. D’après Wise (4) 100 000 à 300 000 clients quittent EDF suivant les années.
Le coût ? Les 140 milliards économisés par le « non programme des 6 ou 14 EPR » seront investis pour la maîtrise de l’énergie et les productions renouvelables !
Notes
1) Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie www.ademe.fr
2) ec47.fr dans le Lot et Garonne, asso.enercit.org dans le Tarn et Garonne, Energies citoyennes Porte de Gascogne dans le Gers,
ecppg32@orange.fr, celewatt.fr dans le Lot
3) enercoop.fr
4)https://homonuclearus.fr/video-derniere-chance-nucleaire/