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FINANCE RADIOACTIVE : LES INVESTISSEMENTS INTOLÉRABLES DES BANQUES FRANÇAISES

D’après ICAM France

Le rapport « Untenable investments » (« Des investissements intolérables ») publié par l’ONG Pax et la campagne ICAN, montre que les banques françaises de janvier 2021 à août 2023 ont continué leurs investissements radioactifs avec 40,433 milliards $ auprès d’entreprises (françaises ou étrangères) produisant des systèmes d’armes nucléaires. Une pratique qui est illégale au regard des règles du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Plus étonnant, deux banques chinoises ont aussi réalisé des opérations financières avec des entreprises stratégiques pour la France !

Les banques françaises

Sept institutions financières (Crédit agricole, BNP Paribas, Caisse des Dépôts et Consignations, Crédit mutuel, Groupe BPCE, La Banque postale, Société générale) ont accordé 35,5 milliards $ de prêts aux entreprises productrices d’armes nucléaires et deux d’entres-elles (Crédit agricole et Groupe BPCE) détenaient 4,9 milliards $ d’actions et d’obligations dans des entreprises productrices d’armes nucléaires.

Il faut noter que ces institutions bancaires privées investissent autant dans des entreprises qui produisent des systèmes d’armes nucléaires pour la France (Safran, Thales, Leonardo), que pour des entreprises qui développent les arsenaux des États-Unis et du Royaume-Uni. Et inversement des banques étrangères (Black Rock, USA avec 2,5 Mds $ chez Safran, Vanguard, USA avec 426 M $ chez Thales) investissent dans des entreprises essentielles à la production des systèmes d’armes nucléaires français.

Beaucoup plus étonnant, il est indiqué pour la première fois que des banques chinoises réalisent des actions économiques auprès d’entreprises stratégiques pour la dissuasion française. Il s’agit de Industrial and Commercial Bank of China qui a accordé un prêt de 424 M $ à Airbus ; cette compagnie possède 37,5 % du capital de MBDA, maître d’œuvre du missile de croisière nucléaire ASMP-A. Et la Bank of China a également fait un prêt de 226 millions $ auprès de Leonardo, qui détient aussi une participation de 25 % auprès de MBDA.

La Banque postale et la Caisse des Dépôts et Consignations, deux banques publiques, ont investi au total 286 millions $ auprès d’Airbus. Pour le moment, aucune banque française ne respecte le TIAN, le Crédit mutuel Océan, ayant en 2023, sous pression d’autorité politique, annulé sa reconnaissance de ce traité.

Livret A : de l’argent pour les armes et les armes nucléaires ?

Ce rapport est publié alors que le sénateur Allizard et le député Plassard vont présenter, respectivement les 5 et 14 mars, des propositions de loi pour détourner une partie des fonds du Livret A et du Livret de développement durable et solidaire (LDDS), vers des entreprises de défense qui auraient des difficultés d’accès aux financements des banques. Une telle décision détournerait cette épargne populaire de ses missions prioritaires : le financement du logement social et de la transition écologique.

Les raisons avancées par ces parlementaires sont les difficultés des entreprises à trouver des sources de financement dû « au développement des critères de responsabilité sociale et environnementale (RSE) ou environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) des entreprises ». Des normes qui sont accusées de tous les maux, alors qu’elles sont indispensables pour réduire les atteintes graves aux droits humains, aux libertés fondamentales, et pour s’assurer de la mise en œuvre des contrôles et de l’interdiction de certaines armes.

La finance radioactive 

Selon ce rapport, 287 banques, fonds de pension, compagnies d’assurance, gestionnaires d’actifs et autres institutions financières ont entretenu des relations de financement ou d’investissement avec l’une des 24 principales entreprises mondiales produisant des systèmes d’armes nucléaires pour la Chine, les États-Unis, la France, l’Inde, la Russie et le Royaume-Uni. Il faut relever que le nombre d’institutions réalisant cette finance radioactive ne cesse de diminuer ces dernières années — passant de 325 à 306 et désormais 287 — depuis l’entrée en vigueur le 22 janvier 2021 du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.

Le rôle clé des banques dans la production des systèmes d’armes nucléaires se renforce. En effet, si ce sont bien les gouvernements qui financent la bombe, les entreprises, pour qu’elles fabriquent ces armes et leurs vecteurs, doivent lever des capitaux (par le biais de prêts ou d’émissions d’obligations) auprès du secteur financier.

Si le nombre d’institutions sur ce marché est en baisse, elles détiennent (au regard du précédent rapport 2023) plus d’obligations et d’actions (477 milliards de $ contre 461,3 Mds $*) et de prêts (343 milliards contre 285,9 Mds $), soit un total de 820 milliards $. Ces augmentations confirment l’attitude des puissances nucléaires qui ont toutes développées des programmes de modernisation et de renouvellement de leur arsenal.

Une course aux armements à laquelle la France participe puisque, selon sa loi de programmation militaire 2024-2030, un budget de 53,69 milliards € est prévu pour assurer la modernisation et le renouvellement des forces de dissuasion. La LPM précédente ne prévoyait elle « que » 37 Mds €.

Le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires

Le rapport souligne que 111 investisseurs ont réitéré leur engagement en faveur du désarmement nucléaire et encouragent les États parties au Traité sur l’interdiction sur les armes nucléaires (TIAN) à veiller à ce que les obligations de cette nouvelle norme (article 1.e « interdiction de financement ») soient bien étendues au secteur privé.

Les 24 entreprises listées (dont Safran, Thalès, Airbus, Léonardo…) fabriquent des composants clés pour les armes nucléaires ou contribuent d’une autre manière au développement, aux essais, à la fabrication, à la possession, au stockage ou à l’utilisation d’armes nucléaires : des actes qui sont tous interdits par le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.

Il faut enfin relever que la plateforme de l’Union européenne sur la finance durable a publié (en 2022) des recommandations pour renforcer la directive sur le devoir de diligence en matière de développement durable des entreprises. Parmi ces recommandations, il y a notamment la prise en compte du TIAN.