AU FEU ! PAR ICI LA SORTIE… NUCLÉAIRE
Un grand merci pour quelques emprunts à Philippe Pelletier et Sandrine Aumercier (voir aussi ses articles sur le site Palim-Psao).
Ils sont venus nombreux applaudir, à Golfech, salle Calypso (Besame Mucho) ce jeudi 25 septembre, le nouveau spectacle d’EDF et son grand show ADAPT (adapter le parc nucléaire aux futurs du climat). EDF a mis les petits plats dans les grands : les meilleurs sont venus tremper la chemise, Monsieur le directeur de l’ANCCLI anime le show, c’est lui qui passe le micro aux questions du public ; puis un sosie, au féminin, de Jean-Marc Jancovici, se charge de répondre au moindre doute et d’apporter la bonne parole afin que soit sauvée l’avenir grâce au nucléaire. Un repas a même été servi pour réchauffer les cœurs.
Certains cependant n’ont pas été conquis et ont été surpris par tant d’assurance et d’inconscience…
Le nucléaire civile a le vent en poupe, l’argument principal étant qu’il est faiblement émetteur de gaz à effet de serre (GES). Contre-argumenter en avançant les nombreuses autres pollutions et risques que représente le nucléaire, ne parvient pas à faire entendre raison.
La décarbonation qui remet en cause les combustibles et industries lourdes traditionnelles ne sert en fait qu’à conforter l’avance technologique, économique et géopolitiques des anciens pays industrialisés vis-à-vis des nouveaux. Cette décarbonation imposée sous peine d’effondrement prend prétexte de la question climatique pour se légitimer.
Du nucléaire militaire au nucléaire civil il n’y a qu’un pas, qu’il a fallu franchir car le premier ne rapporte rien et est extrêmement coûteux. L’avantage pour les états qui possèdent la bombe atomique est que cette dernière les aide à asseoir leur pouvoir pour encadrer l’économie.
Cependant, en particulier à partir du début des années 70, des oppositions s’amplifient et viennent gêner le développement naissant de l’électronucléaire. D’énormes manifestations regroupant jusqu’à 150 000 personnes ont lieu un peu partout (France, Allemagne, États-Unis…). La répression est féroce et voit par exemple le pacifiste Vital Michalon décédé, touché au ventre par une grenade lancée à bout portant. Cette brutalité révèle l’ampleur des enjeux.
La contre-attaque ne se fait pas attendre : le rapport Meadows lors du premier rapport au Club de Rome en 1972 évoque la question de l’énergie à propos de l’industrie nucléaire en insistant sur la faible consommation d’uranium, comparée au charbon ou aux hydrocarbures.
Intervient alors un personnage clé, Bert Bolin (1925-2007), météorologue suédois, qui postule la théorie du réchauffement. Depuis le premier choc pétrolier (1973) Olof Palme, premier ministre prône résolument l’énergie nucléaire en utilisant les avertissements de Bolin, ce dernier annonçant qu’une augmentation du CO2 à cause de l’extraction des ressources fossiles provoquera un désastre climatique.
GIEC GIEC GIEC !
Bert Bolin deviendra en 1988 président du GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat) dont la création est décidé par le G7 la même année. Ce G7 réunit des pays dont 3 d’entre eux possèdent l’arme atomique dont la France. Le président Mitterand y participe : c’est sous sa présidence que la France a ouvert le plus de centrales nucléaires.
Margaret Thatcher très active dans la création du GIEC, lance, dès son arrivée au pouvoir en 1979, un vaste programme électronucléaire. Le G7 de 1984 qui se tient à Londres fait référence dans sa déclaration au « changement climatique » ce que confirme le G7 de Bonn en 1985. Encore mieux que Chirac avec son « La planète est en feu nous regardons ailleurs » Margaret Thatcher alerte sur le fait que « l ‘humanité et ses activités sont en train de changer l’environnement de notre planète de façon dangereuse… ». Tony Blair continuera sa politique pour lutter contre le « global warming »…
Le GIEC au centre donc de ces évolutions se nucléarise. L’activité du GIEC consiste à demander des rapports scientifiques à des experts, qu’il a lui-même choisi, et à partir desquels il établit des conclusions politiques. Très tôt il mélange fréquemment l’électronucléaire avec les énergies renouvelables. Parmi ses experts, plus que de climatologues, il s’agit souvent d’ingénieurs ou de physiciens de l’atmosphère qui s’appuient presque exclusivement sur des modélisations, donc des abstractions plus ou moins fiables. Nombre de ces experts sont en outre partisans du nucléaire.
Le questionnement sur le climat est complexe car il intègre un grand nombre d’éléments qu’il faut analyser avec rigueur et prudence. Une complexité dont ne s’encombrent pas les conclusions alarmistes des rapports annuels du GIEC.
Au fil des années, le lobby nucléaire saisit tout l’intérêt des évolutions climatiques au fil des rapports qui sont dirigés par des experts qui ont grandi dans son sein. Ainsi se développe peu à peu le lien entre la catastrophe à venir et leur solution pour l’éviter : l’industrie nucléaire ! Le nucléaire devant apparaître comme faiblement émetteur de gaz à effet de serre est ainsi légitimé. Et relancé !
Convaincus pas ces conclusions, maintenant que la « science a parlé » les médias (aux mains des grandes entreprises du bâtiment et de l’armement) vont prendre le relais et s’efforcer d’obtenir le consentement des populations.
Ce consentement obtenu on acceptera aussi que le nucléaire, après la renationalisation d’EDF, soit financée par le contribuable, aucune banque ne souhaitant plus investir dans une industrie aussi coûteuse et dangereuse. Les investisseurs veulent bien profiter de la reconstruction suite aux catastrophes mais pas en assumer le coût. Les catastrophes constituent bien réellement des opportunités économiques… Les grandes entreprises ont gardé depuis la tempête Erika, Tchernobyl et Fukushima, le goût du sang dans la bouche.
Le citoyen, et son portefeuille, sont ainsi devenu les premières cibles de l’arme nucléaire et de l’industrie qui en découle.
Conclusion : où va-t-on ?
Parmi les nuisances la crise économique en cours.
Il aura aussi fallu faire accepter le risque d’accident grave en suggérant le TINA de Miss Thatcher : « There is no alternative ». Cependant il existe une autre crise en cours, la crise économique et son corollaire la crise sociale. Car à défaut d’alternative, cette crise n’est pas plus évitable que les précédentes mais présente des caractéristiques différentes.
Nous avons jusqu’alors toujours pu trouver une issue aux crises précédentes car des possibilités d’expansion étaient encore possible pour notre compulsion d’accumulation de valeur. Mais cette fois-ci, il faudrait au moins trouver de nouvelles planètes à dévaster, ce qui suppose l’invention préalable du transport par téléportation (non mais blague à part !). Le vide, au moins transitoire, qu’une telle situation d’une économie ayant atteint sa borne finale laisserait, ferait préférer des cimetières d’éoliennes à des centrales nucléaires encore fumantes avec les risques que représenteraient encore ces dernières et des déchets radioactifs pour une quasi éternité.
Une évolution par le développement du nucléaire — qui ne résoudra pas les crises économique et énergétique et ne serait peut-être même pas apte à prolonger l’agonie du système — ne constitue nullement une solution, mais un enfoncement collectif dans une impasse.
Si certaines sociétés — et pas toutes — ont eu un usage raisonnable de leurs ressources, c’est pour deux raisons : d’une part parce qu’elles étaient mues par d’autres finalités (symboliques et religieuses) que celles du « besoin » immédiat et de l’accumulation de biens, et d’autre part parce qu’elles produisaient sans intermédiaire et sur de petites échelles ce qui était nécessaire à leur subsistance ; elles avaient donc une expérience directe des conséquences de leurs activités : elles en étaient les premières affectées. Ces deux conditions encadrent la possibilité d’un usage parcimonieux et responsable des ressources.
Dans le contexte actuel, la possibilité de telles conditions paraît verrouillée. Beaucoup les considèrent comme un insupportable retour vers le passé, bien qu’elles se déploieraient forcément dans un contexte pratique et symbolique totalement modifié. Mais cet obstacle ne doit en aucun cas justifier de laisser croire qu’il serait possible de sortir du capitalisme et d’inventer un monde émancipé tout en maintenant le même mode de production (ce que font pourtant toutes les offres politiques disponibles sur le marché).
Il s’agirait de se réapproprier, à une échelle de proximité, les conditions qui permettent l’implication sensible et symbolique de chacun dans la reproduction collective. Les formes sociales qui s’y inventeraient sont forcément diverses, imprédictibles et non planifiables. La production industrielle y serait certainement de facto rendue obsolète, et avec elle tomberait l’énergie comme problème. Il faut admettre que nous sommes infiniment éloignés d’une telle issue.
L’industrie nucléaire doit être envisagée dans ces perspectives. En refermant l’avenir le nucléaire devient un chantage visant à empêcher une suite aux crises irréversibles, qu’elles soient économiques (donc sociales) ou climatique, qui nous attendent.
LE CLIMAT NE DOIT PAS SAUVER LE NUCLÉAIRE