Tritium partout

Réalisé pour Stop Golfech – avril 2013 – par Marc Saint-Aroman

Parmi les nombreux rejets – thermiques, radioactifs, chimiques, bactériologiques… – qui s’échappent des installations atomiques « propres » plus ou moins insidieusement, nous allons nous pencher ici sur le cas de l’hydrogène radioactif dénommé « tritium » qui possède exactement les mêmes propriétés chimiques que l’hydrogène. Ce tritium a envahi notre environnement et y reste durablement grâce à sa demi-vie de 12 ans et 117 jours. EDF écrivait à son sujet : « le tritium ne peut être ni traité (aucun procédé n’existe actuellement) ni stocké (période radioactive d’environ 12 ans) et que par conséquent ou il s’accumule dans l’effluent primaire, où il est rejeté »(1). Comme si cela ne suffisait pas, en présence d’azote, l’eau tritiée génère de l’acide nitrique qui ronge les conteneurs. Pour les industriels, la meilleure façon de faire face aux déchets tritiés est de « diluer-disperser » plutôt que « concentrer et isoler. »

Mais d’où sort le tritium aujourd’hui ?

Avant l’avènement de l’ère nucléaire, le tritium était à un niveau ZERO dans les nappes phréatiques selon le CEA contrairement aux 7 ou 8 Bq/l annoncés régulièrement comme normaux aujousd’hui par les opérateurs du nucléaire.

13 – L a Hague : Le tritium est mesuré dans la nappe à un niveau de 4 821 Bq/l en 2010 avec une valeur maximale relevée à 169 000 Bq/l.

2 – Tritium ans les fleuves, les rivières et la mer :

Nogent sur Seine : de 1987 à 2010, parti d’environ 10 Bq/l, le niveau de tritium dans la Seine monte de façon constante pour s’établir aujourd’hui à l’aval de la centrale à d’environ 50 Bq/l pour les hivers et 70 Bq/l en été avec une pointe à 110 Bq/l en juin 2010.

La Hague : en octobre 2012, le laboratoire de l’ACRO a mesuré plus de 110 Bq/l dans l’eau de mer à proximité de La Hague (4)

3 – Dans l’atmosphère : début des années 2000 , nous nous sommes aperçus à Stop Golfech que tous les opérateurs des installation atomiques avaient lancé un rabattage massif du tritium de l’atmosphère vers les eaux des rivières des fleuves et des océans : nulle explication ne fût donnée à cette manoeuvre pourtant très importante. Un ingénieur de la DRIRE interrogé par nos soins répondit que cette action était probablement liée au fait qu’on respirait plus d’air que l’on ne buvait d’eau… et pourtant, l’eau tritiée étant chimiquement identique à l’eau ordinaire, elle est assimilée rapidement dans tout l’organisme : l’eau tritiée est jugée 25 000 fois plus radio-toxique que le gaz tritium selon une étude de l’AIEA (AIEA91).

Une méta-étude américaine de novembre 2012 montre que le premier Becquerel peut-être bel et bien dangereux !

A noter également des comportements curieux : Mme Taubira, dans l’opposition en mars 2011, soutenait l’association française des malades de la thyroïde contre le professeur Pellerin dans l’affaire du nuage de Tchernobyl… Aujourd’hui Garde des Sceaux, elle cautionne l’éviction de la juge O. Bertella Geffroy du pôle de santé publique en charge de l’affaire des… malades de la thyroïde.

Origines et quantités de tritium :

– Tritium naturel : Le tritium d’origine tellurique (produit par la radioactivité du sol) serait négligeable, ce qui expliquerait que les références données par le CEA avant l’ère atomique était de zéro Bq/ l pour le tritium des nappes souterraines.

Une source provient du cosmos suite à l’impact des bombardements des neutrons cosmiques sur les composants l’atmosphère (azote, oxygène, argon). La production naturelle de tritium cosmique annuelle est estimée entre 150 et 200 grammes (8). Par suite de décroissance naturelle, un calcul simple montre qu’il y aurait un équilibre entre 300 et 400 g (9) de tritium naturel présents dans l’environnement qui engendreraient une activité comprise entre 108 000 et 143 200 Térabecquerels : Tera équivaut à un suivi de 12 zéros.

Nous sommes bien loin des 3,5 kg évoqués par l’UNSCEAR 2000 qui a « estimé que l’inventaire permanent du tritium naturel est d’environ 1,275.1018 Bq (3,5 kg) à l’échelle planétaire » : en effet, toujours par un calcul simple, sur la base d’une demi-vie de 12,3 ans, les 3,5 kg d’aujourd’hui auraient représenté, lors de la signature du traité de Brétigny, en l’an 1 360, une quantité de tritium de 31 525 milliards de tonnes de tritium … une impossibilité physique qui se passe de commentaire. Ces kg de tritium en excès n’ont évidemment absolument rien de naturel…

– Tritium artificiel :

Les explosions atmosphériques de bombes atomiques réalisées de 1945 à 1980 ont disséminé une quantité de tritium estimée à 234 000 000 TBq qui correspondent à environ 650 kg (UNSCEAR, 2000). Toujours selon l’UNSCEAR, en 1993, l’accumulation du tritium militaire dans l’environnement (principalement dans les océans) était d’environ 4,3.1019 Bq (Ndr : soit 119 kg).

– La fabrication des bombes atomiques : en 1999, le CEA de Valduc a rejeté dans l’atmosphère 267 TBq

– Dans les réacteurs à eau sous pression français, le tritium est produit par l’action des neutrons sur le deutérium, le lithium, le bore, certains isotopes de l’uranium et du plutonium…

Le site de Golfech se retrouve dans le peloton de tête des sites français pour ses niveaux de rejets de tritium dans l’environnement. Ses réacteurs comportent – comme tous les réacteurs des paliers 1300 MWe et 1450 Mwe – des grappes

sources secondaire qui sont à l’origine d’une production supplémentaire de tritium dans le circuit primaire. Ce niveau varie de 4 à 12 TBq par an et par réacteur. Cela correspond à une production supplémentaire de 20 à 40 % de tritium selon la durée d’irradiation des grappes.(10)

– Notes : il est à remarquer que ce sont presque exclusivement les industriels et les militaires qui fournissent leurs propres chiffres d’activité tritium – les calculs de masse de tritium sont effectués sur la base d’une activité de 360 TBq pour un gramme de tritium –

Estimation des rejets radioactifs :

L’UNSCEAR – Comité scientifique des Nations Unies sur les effets des radiations sur les Radiations Atomiques – fournit des chiffres de production de tritium au niveau mondial pas très réalistes puisqu’ils ne proviennent pas de mesures mais de calculs : (8)

– Production de tritium de toutes les centrales atomiques mondiales :

Rejets gazeux : 6 500 TBq en 2008 ont été émis dans l’atmosphère par tous les réacteurs atomiques.

Cela correspond à 18 g de tritium. Toujours sur la base des données de l’UNSCEAR (2 000) chaque réacteur aurait produit en moyenne 2,4 TBq de tritium gazeux soit pour tous les réacteurs au monde 413 Réact. x 2,4 TBq = 991 Tbq

Rejets liquides : 11 600 TBq soit 32 g de tritium et 19 TBq d’eau tritiée par an [UNSCEAR, 2000].

– Rejets par les usines de retraitement de combustibles irradiés :

Le tritium de fission est libéré en grande partie lorsque le combustible usé est mis en solution lors du retraitement.

Les trois usines de retraitement au monde : Tokaï-Mura, Sellafields et la Hague auraient rejeté :

• dans l’atmosphère : 12 000 TBq en 2006

• dans les océans : 260 TBq en en 2006

Atteintes biologiques du tritium sur le vivant suivant son arrangement physique sous 4 formes :

L’eau tritiée ou HTO (le tritium s’est substitué à un ou deux hydrogènes de la molécule H2O) s’assimile rapidement et complètement. Une étude de l’AIEA montre que le tritium inhalé se répand de façon égale dans les tissus mous.

L‘eau tritiée se mêle rapidement à toute l’eau du corps [ACES 94]. Cette eau tritiée étant chimiquement identique à l’eau ordinaire, elle est généralement considérée comme 25 000 fois plus radio-toxique que le gaz tritium [AIEA 91].

L’irradiation bêta émise par le tritium est faible, néanmoins, dans le corps humain, cette faiblesse peut être, en effet, un aspect de la force destructrice de cet isotope car toute la puissance d’ionisation de la particule est concentrée sur la partie du corps où il se trouve [Fairlee 92].

– La forme gazeuse du tritium, Hydrogène-tritium ou HT, n’est pas assimilée par les plantes et peu assimilée par les animaux et l’homme (faiblement oxydée par les bactéries des voies respiratoires). Son « efficacité » en termes de rétention serait 1 500 fois moindre que celle de l’eau tritiée.(11)

Le tritium organique en position  » échangeable  » est présent dans les molécules organiques où il s’est substitué à l’hydrogène dans les radicaux typiques (-OH, -SH, = NH, …). Le tritium organique en position échangeable se met en fait en équilibre avec le tritium contenu dans l’eau cellulaire et subit les mêmes évolutions.

– Le tritium organique en position  » non échangeable  » car il est directement lié au carbone: T C. : il reste donc plus durablement présent que HTO (12) (13).

Ian Fairlie, expert britannique en radiations, indique dans une étude de 2007 réalisée pour Greenpeace que « le tritium est beaucoup plus dangereux que ce que les scientifiques le croyaient. L’élément chimique pourrait causer des cancers et des mutations génétiques en s’incrustant dans les cellules humaines après s’être lié à des molécules d’eau… Selon le chercheur, les personnes qui vivent à moins de cinq kilomètres d’une centrale nucléaire sont les plus menacées en raison des concentrations plus élevées en tritium » (14)

Cinq ans plus tard les propos du scientifique britannique sonnent comme une terrible prophétie : en effet suite à l’étude de 2012 de l’INSERM qui mettait en évidence un doublement des leucémies infantiles dans un périmètre de 5 km autour des centrales nucléaires, nous avions noté dans le dernier numéro de « Stop Golfech » que le fait d’avoir rabattu le tritium de l’atmosphère vers les fleuves et les océans correspondait étrangement à la même période de mise en évidence par l’INSERM de problèmes graves de santé infantile autour des installations nucléaires.

Conclusion :

Les effets délétères du tritium sur le vivant sont maintenant parfaitement documentés et l’IRSN commence à le reconnaître. Cependant pour tous nos manipulateurs invétérés, des études temporisatrices doivent encore être menées pour mieux cerner les phénomènes biologiques en jeu. Comme pour l’amiante, les mêmes acteurs aux manettes, freinent l’avènement de la vérité : comme nous avons pu le voir, ils ont modifié substantiellement la façon d’effectuer les rejets en tritium de l’atmosphère vers les rivières et les océans à l’insu de la société toute entière. Ils cachent, sous des aspects naturels, des niveaux d’activités qui sont totalement le fruit d’activités humaines.

Le fait que l’enrichissement des combustibles s’accroisse pour espacer le nombre d’arrêts pour rechargements – le fait que le désarmement mondial ne se profile pas – le fait que la France s’enfonce dans l’absurdité du « retraitement » – le fait que l’ITER soit toujours sur les rails… laisse présager un avenir chargé en production de tritium et n’augure donc pas de l’avènement de la vérité sur ce toxique.

Un souci cependant pour tous ces bonimenteurs, les associations multiplient des analyses environnementales du tritium auprès de laboratoire indépendants (comme Stop Golfech auprès de la Crii-Rad en décembre 2009) et démontrent le mensonge et les problèmes liés à ce toxique auprès de la société. Contrairement au cas d’Alexandre Litvinenko démontré immédiatement comme empoisonné au Polonium 210, les atteintes biologiques liées aux attaques du tritium ne sont pas démontrables aujourd’hui et, pour les opérateurs de l’atome, le crime commis sur les populations reste encore parfait… Si les responsables mettent en avant, sur la scène médiatique, la réalité des problèmes liés aux irradiations médicales, c’est probablement pour mieux cacher les atteintes physiques liées aux retombées radioactives des affaires atomiques.

Comme nous l’avions noté lors de l’enquête publique DARPE de 2005, concernant la révision des rejets polluants dans l’environnement, l’ASN, gendarme du nucléaire, a mangé son chapeau (15) : l’Autorité exigeait en effet une baisse de 60 % des rejets en tritium : les industriels ont encore fait la loi en obtenant une augmentation de l’autorisation de 20 % !

Alors pour tous ceux qui sont contraints de vivre en aval des rejets liquides ou sous les vents dominants des installations nucléaires, il y a au moins deux mesures simples qui devraient leur permettre de limiter leur contamination en tritium :

– éviter les eaux à surface libre renvoyées vers leurs robinets pour la consommation et
– éviter les bains d’eaux tritiées.

Pour en savoir plus :

– Crii-Rad : http://www.criirad.org/

– Acro : http://www.acro.eu.org/

– http://groupes.sortirdunucleaire.org/qu-est-ce-que-le-tritium

– Le tritium : Actualité d’aujourd’hui et de demain : Auteurs : GAZAL Suzanne, AMIARD Jean-Claude

(1) Source EDF : rapport annuel de surveillance de l’environnement 1999.

(2) http://groupes.sortirdunucleaire.org/saint-maur-bondoufle

(3) http://groupes.sortirdunucleaire.org/Deversement-radioactif-a-Golfech

(4) http://www.lamanchelibre.fr/cherbourg/actualite-42471-la-radioactivite-mesuree-dans-hague.html

(5) http://www.criirad.org/installations-nucl/rapport-stalban-2004.pdf

(6) Académie de médecine – commission XIII : santé –épidémiologie – Environnement

(7) Une étude révèle que la radioactivité, même à des niveaux très bas, reste dangereuse pour la santé

(8) http://livre-blanc-tritium.asn.fr/fichiers/Tritium_CHAP_1-1.pdf

(9) Calcul du rédacteur pour estimer le tritium naturel présent aujourd’hui dans l’environnement à raison d’une production de 150 à 200 g annuels :

Somme tritium naturel en 2013, valeur haute = 200g + (200/21 + 200/22 … + 200/2n) : la partie entre parenthèses ou les exposants représentent le nombre de période de décroissance et le total de production tend vers 200g soit donc un niveau naturel de tritium de 400 g

(10) http://www.irsn.fr/FR/expertise/rapports_expertise/Documents/surete/IRSN_DSU-217_Tritium-sources-production.pdf

(11) http://livre-blanc-tritium.asn.fr/fichiers/Tritium_CHAP_1-2.pdf

(12) http://livre-blanc-tritium.asn.fr/fichiers/Tritium_CHAP_5-4.pdf

(13) http://livre-blanc-tritium.asn.fr/fichiers/Tritium_CHAP_4-9.pdf

(14) Canadian press june 12, 2007 Le tritium radioactif dans les Grands Lacs menace la santé humaine par Chinta Puxley

(15) CLI Golfech du 22 octobre 2001