Article de Marc St Amoran
d’après Ernest J. Sternglass de l’Université de Pittsburgh.
Sternglass EJ. Environmental radiation and human health. In: Pro- ceedings of the Sixth Berkeley Symposium on Mathematical Statistics and Probability. Berkeley, CA: University of California Press, 1972; pp 145-216.
Nous allons faire ici une traduction, assisté par le traducteur « DeepL », d’une étude américaine qui a servi de référence majeure à celle récemment synthétisée dans le dernier journal « Stop Golfech » n°86 – avril 2021 – : « Enfants victimes des radiations ionisantes – Observation de très anciennes études bien cachées. Le document qui suit est repéré « Annexe 1 ».La lecture de ce texte est assez fastidieuse mais le choix a été encore fait par le rédacteur de ne pas écarter de pièces tellement elles apportent d’éléments étayés difficilement critiquables sur les effets des rayonnements dits à « faible dose »… même si, comme vous pourrez l’observer en fin de ce résumé dans la partie « discussion », les tenants de la parole « officielle » du nucléaire tentent de démolir le travail du chercheur affichant même du mépris à son égard.
On peut s’interroger sur le pourquoi de l’investissement d’un prestigieux scientifique dans une voie aussi périlleuse qui lui barrait de fait toute voie vers une brillante carrière comme celle menée par ses collègues à la foi aveugle en l’atome. Un entretien vidéo du docteur Ernest J. Sternglass (https://www.youtube.com/watch?v=TPO7Tft0YlQ) permet de mieux comprendre son engagement qui apparaît comme la convergence de plusieurs facteurs vécus dans sa jeunesse : son père, qui était dermatologue, témoignait à sa mère pédo-gynécologue des dangers des rayons X : il soignait les cancers de la peau provoqués par des médecins utilisant ces rayons X dans le traitement de l’acné. E-J Sternglass précisait que toutes ces erreurs des débuts de cette médecine ont amené à comprendre que les radiations ont à la fois des effets bénéfiques mais aussi qu’une mauvaise utilisation peut être très problématique pour les enfants en bas âge. A trente ans, l’ingénieur employé par Westinghouse, fût un concepteur doué dans l’instrumentation nucléaire. Il conçût la caméra amplificatrice qui permettra au monde entier d’assister aux premiers pas d’Armstrong sur la Lune en 1969.
Ndr : l’application du principe de son invention, déployé à grande échelle pour l’exploration par rayons X, aurait permis de réduire de manière drastique les expositions des patients… mais ils se racontait dans les milieux techniques de la radiologie, début des années soixante dix, que les gros fabricants de film et de produits et systèmes de traitement de ces films, Kodak, Dupont de Nemours, Agfa Geveart… freinaient ces technologies qui réduiraient leurs bénéfices : de fait ils agissaient à la multiplication d’expositions inutiles et dangereuses des populations aux rayons X. Même si aujourd’hui les procédés numériques participent à la baisse des expositions, la multiplication des explorations aux scanners a annulé les bénéfices de ces progrès.
En 2015, le rédacteur de la revue du « Réseau Sortir du nucléaire », Xavier Rabilloud, rendit hommage à ce chercheur lanceur d’alerte qui venait de décéder à l’âge de 91 ans. (https://www.sortirdunucleaire.org/Ernest-Sternglass-grand-adversaire-du-nucle%CC%81aire) – Sa légende de la photo ci-contre : « Sternglass explique sa thèse liant les retombées des essais nucléaires au ralentissement, pendant la même période, de la baisse de la mortalité infantile aux États-Unis. »Ndr : on peut voir ici une notion qui reviendra souvent dans l’étude : un ralentissement dans la trajectoire baisse de la mortalité.
Pour en revenir à la vidéo de E-J Sternglass, il explique que quand il a entendu parler des retombées radioactives dans les année 1960/61 et qu’il était président de la cellule locale de la fédération des scientifiques américains, lui et ses collègues se sont intéressés aux abris antiatomiques pour se mettre à l’abri des retombées ou même d’un accident survenant à Pittsburgh. Au vu des données qui venaient d’être récemment déclassifiées sur les retombées radioactives, ses collègues et lui ont tous conclu qu’il n’y aurait aucun moyen de survivre dans un environnement qui serait totalement contaminé si, par miracle, il y avait des survivants dans un abri antiatomique.
Le chercheur rajoute que quand il rencontra le docteur Ralph Lapp qui avait écrit un livre sur les radiations et qu’il lui montra l’article d’Alice Stuart sur l’énorme dose produite par les essais atomiques il a réalisé qu’il fallait mettre fin aux essais de bombes nucléaires. R. Lapp aida E-J Sternglass à publier son article et ce dernier envoya une copie à la Maison Blanche au printemps 1963. A ce moment là le président Kennedy sortait juste de la crise des missiles de Cuba de 1962 et il voulait mettre fin aux essais nucléaires contre l’avis des militaires. Récemment le Sénat avait refusé de ratifier un traité pour mettre fin à tous les essais. Le président parvint à convaincre Khrouchtchev qu’ils devaient mettre un terme aux tests aériens et sous-marins des bombes atomiques. J-F Kennedy était très concerné par ce problème car son épouse était à ce moment là enceinte et, pour sa part, tout jeune, il fût diagnostiqué leucémique par erreur. En 1963, les discussions sur une interdiction des essais nucléaires ont finalement progressé et les États-Unis, l’Union soviétique et la Grande-Bretagne ont conclu un accord signé à Moscou le 25 juillet 1963, traité qui est entré en vigueur le 10 octobre suivant. Le lendemain de la signature, J-F Kennedy s’adressait au peuple américain et affirmait dans sa déclaration :
« Même dans ce cas, le nombre d’enfants et de petits-enfants atteints de cancer dans les os, de leucémie dans le sang ou de poison dans les poumons peut sembler statistiquement faible pour certains, en comparaison avec les risques naturels pour la santé. Mais il ne s’agit pas d’un risque naturel pour la santé, et ce n’est pas une question de statistiques. La perte d’une seule vie humaine, ou la malformation d’un seul bébé – qui pourrait naître longtemps après notre disparition – devrait nous préoccuper tous… ». Source : https://www.nobelprize.org/prizes/peace/1962/ceremony-speech/ |
1. Introduction
Ce document de 1972 apporte des preuves que les rayonnements de faibles niveaux issus des éléments de fission nucléaire dans l’environnement, provenant des explosions nucléaires et des réacteurs de puissance, peuvent déjà avoir eu de graves effets sur la santé humaine. Ces effets vont bien au-delà de ce que l’on croyait possible lors de la formulation et l’adoption des normes de radiation, en particulier pour les jeunes enfants.
En préalable, l’auteur de l’étude note la nature de la première découverte selon laquelle les rayonnements de faible niveau peuvent produire non seulement des effets génétiques mais également des effets somatiques graves chez l’homme, et cela tant à de hauts niveaux de radiations qu’à de faibles niveaux de doses.
2. Le contexte historique
La première indication que les rayonnements de faible intensité pouvaient produire des effets graves chez l’homme provient d’études d’Alice Stewart de l’Université d’Oxford en 1958. A. Stewart démontra que les mères ayant reçu de trois à cinq radiographies pelviennes pendant la grossesse avaient des enfants qui étaient presque deux fois plus susceptibles de développer une leucémie et d’autres types de cancers avant l’âge de dix ans que les mères non radiographiées [1].
Quatre ans plus tard, ces travaux ont été confirmés de manière indépendante par une étude épidémiologique majeure de Brian MacMahon de la « Harvard School of Public Health » portant sur près de 800 000 enfants nés à New York puis en Nouvelle-Angleterre [2]. A partir des données de ces territoires, il a été possible de montrer qu’il semble exister une relation linéaire directe entre le nombre de films radiographiques tirés sur une femme enceinte et la probabilité que son enfant développe plus tard une leucémie. Nous sommes ici en 1962 et l’auteur affirme déjà :
il n’y a donc aucune preuve de l’existence d’un « niveau seuil sûr » en dessous duquel aucun cancer supplémentaire ne se produit et cela même jusqu’à la dose relativement faible provenant d’un seul rayon X. |
De plus, l’ampleur de la dose de rayons X reçue par le fœtus en développement in utero à partir d’un tel rayon X était comparable à la dose normalement reçue au cours de deux à trois ans de rayonnement naturel, ou à partir des retombées produites au cours de la série d’essais nucléaires de 1961-1963, à savoir 0,002-0,003 grays [3].
Ces premières constatations ont été confirmées par les résultats les plus récents des études d’Alice Stewart en 1970 [4]:
Son travail approfondi a porté sur plus de 7 000 enfants nés en Angleterre et au Pays de Galles entre 1943 et 1965 qui ont développé une leucémie ou d’autres types de cancers.
Résultat : pour un rad (Ndr : ancienne mesure de dose absorbée soit
aujourd’hui 0,01 gray) à une population d’un million d’enfants exposés peu
avant la naissance, il y a eu 300 à 800 décès supplémentaires par cancer
avant l’âge de 10 ans pour un nombre moyen de décès par cancer de 1000
avant cet âge de 10 ans, avec un nombre moyen de 572 + 133 par rad. Pour un
taux d’incidence normal d’environ 700 cas par million d’enfants nés : cela
signifie qu’il suffit de 12 milligrays pour doubler l’incidence spontanée.
De plus :
l’étude du Dr Stewart a montré que lorsque l’exposition aux rayonnements avait lieu au cours du premier trimestre, l’excès de risque de cancer était multiplié par 15 [4]. |
Cela signifie qu’une dose d’environ seulement 0,8 milligray peut doubler le risque normal de cancer chez les jeunes embryons.
Cette dose est nettement inférieure à la dose annuelle de 5 milligrays actuellement en vigueur pour tout membre de la population général |
3. Retombées et leucémie infantile
Il était donc possible que des études portant sur de grandes populations d’enfants exposés à des « incidents » connus où des retombées localisées qui se sont produites dans une zone donnée puissent montrer des augmentations détectables de la leucémie quelques années plus tard.
Une telle retombée avec la pluie localisée à Albany-Troy New York, en avril 1953 a été signalé par Ralph Lapp [5]. Elle est survenue après l’explosion d’une bombe de 40 kilotonnes (théoriques) dans le Nevada, un examen des données relatives à l’incidence de la leucémie publiées par le Département de la Santé de l’État de New York a montré que lorsqu’elles sont tracées par année de décès, il y avait une nette augmentation du nombre de cas par an parmi les enfants moins de dix ans au moment du décès, passant d’environ deux/trois à huit/neuf cas par an, dans les six années après l’arrivée des retombées. Ceci correspond exactement au même retard dans l’incidence maximale que celui observé à Hiroshima et Nagasaki. Pour ceux qui souhaiteraient en savoir davantage sur cet « essai » nucléaire au nom de code « Simon », il leur suffit de se reporter à l’article du New-York-Times ( https://www.nytimes.com/1979/08/12/archives/the-1953-nuclear-blast-that-kept-echoing-for-years-antipathy-toward.html ) qui précisait que ce tir avait causé plus de problèmes que tous les autres tirs de la série de 11 essais de la bombe atomique. Les retombées ont fait de nombreuses victimes à… 3 700 km du pas de tir de Yucca Flat dans le Nevada .
Un point majeur de ce tir atomique «Simon» concerne le pic d’incidence qui comprenait de nombreux enfants qui n’ont été conçus qu’un an ou plus après l’arrivée des retombées. Cela suggère pour la première fois l’existence d’un effet avant la conception. |
Figure 2 [6] ci-contre
Nombre de cas de leucémie par année de déclaration pour les enfants de moins de dix ans dans la région d’Albany-Troy, N.Y., pour laquelle les données sont complètes, tel que rapporté par Lade (Science, Vol. 143 (1964), p. 994). Période de 1952 à 1955 avant que l’effet des retombées puisse apparaître (*) donne un nombre annuel moyen de 2,2 + 0,8 cas par an.
4.Premières indications concernant les retombées et la mortalité infantile
Après l’arrivée des retombées à Albany-Troy en 1953, il y a également eu un ralentissement drastique de la courbe de décroissance de la mortalité fœtale ou des enfants mort-nés dans cette région [6]. Suite à cette découverte inattendue, les statistiques de mortalité fœtale et infantile de l’État de New York, de Californie et d’autres États ont été examinées. Début des années 1950, il a été constaté le même fléchissement de la baisse et même une augmentation des taux de mortalité, à des degrés divers en fonction de la charge radioactive dans le lait [7]. Pour l’ensemble des États-Unis, les taux de mortalité infantile pour la population dans son ensemble et la population non blanche ont été tracés comparativement aux données concernant la Suède. L’attention du chercheur fut retenue par le fait que I. M. Moriyama, du Centre national des statistiques sanitaires des États-Unis, dès 1960 [8], avait déjà signalé la tendance à la stagnation aux États-Unis. Cette dernière avait débuté vers le début de 1951 et il avait suggéré la possibilité que des changements similaires de mortalité, s’étendent à toutes les tranches d’ages, puissent être liée à une forte augmentation de la radioactivité environnementale liée aux tirs nucléaires [9].
Depuis, l’auteur a étendu son étude à d’autres pays du monde, et notamment à l’Europe du Nord, qui a reçu les retombées des essais du Nevada dans sa dérive nord-est à travers l’Atlantique : les mêmes schémas de ralentissement suivi d’une nouvelle baisse de la mortalité infantile ont été constatés… Dans le même temps, les tendances au nivellement étaient beaucoup moins prononcées dans des pays comme le Canada et la France, qui se trouvaient au nord ou au sud de la trajectoire des retombées du Nevada lors de son parcours nord-est, de sorte qu’ils n’ont pas reçu autant d’activité de courte durée par unité de surface. Suite à cela, ces pays n’ont pas reçu autant d’activité à court terme par unité de strontium 90 dans le lait.L’auteur a depuis établi des degrés élevés de corrélation entre les augmentations de la mortalité infantile au-dessus des lignes de base en déclin, et les niveaux de strontium 90 mesurés dans le lait et donc dans les os des fœtus, des enfants et des jeunes adultes pour l’ensemble des neuf régions du réseau de lait cru du service de santé publique pour lesquelles des données sont disponibles depuis 1957 / 1958 [10].
Ces corrélations suggèrent que jusqu’à 400 000 enfants de moins d’un an, rien qu’aux États-Unis, pourraient être morts des suites des essais nucléaires en 1965.
Ces résultats sont si surprenants et si inattendus qu’ils se sont naturellement heurtés à un scepticisme considérable, principalement parce que la technique d’analyse des tendances telle qu’elle a été utilisée pour la première fois par Moriyama pour calculer les “décès excédentaires” par rapport aux prévisions normales pour tous les groupes d’âge aux États-Unis, était basée sur la prévision d’une baisse régulière de la mortalité infantile, au moins jusqu’à ce que des niveaux égaux à ceux qui avaient déjà été atteints dans d’autres nations médicalement avancées du monde, comme la Suède, soient atteints.Cette hypothèse est toutefois justifiée par le fait qu’au Nouveau-Mexique, après le test initial de 1945, il y a effectivement eu un retour à la même ligne de déclin régulier déterminée par l’ajustement informatique à la période 1935-50, en raison des faibles précipitations et donc des faibles niveaux de retombées dans le lait après 1950, lorsque les essais nucléaires ont été déplacés vers le nord au Nevada.
5. Retombées et malformations congénitales
Ces données existent dans le cas des décès d’enfants associés à des malformations congénitales telles que le syndrome de Down, la microcéphalie et les malformations cardiaques congénitales.
Pour cette catégorie particulière de décès de nourrissons et d’enfants, il n’est constaté qu’une légère tendance à la baisse au cours des 20 dernières années, et ni l’introduction de nouveaux antibiotiques, ni les méthodes de soins médicaux, ni l’amélioration progressive de l’alimentation et des soins médicaux n’ont eu d’effets significatifs sur ces taux de mortalité. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’extrapoler une tendance rapide à la baisse, et l’on dispose pour chaque État et pour de nombreux pays étrangers d’une ligne de base presque horizontale bien établie jusqu’au début des essais nucléaires en 1945. En outre, il est bien connu que des malformations congénitales peuvent être induites par des niveaux de radiation relativement faibles chez les animaux, et des études récentes sur des conditions telles que le retard mental publiées par la Commission scientifique des Nations Unies sur les radiations [11] ont établi que de petites quantités de radiation pendant certaines périodes critiques du développement embryonnaire et de la formation des organes peuvent produire des effets détectables chez les enfants. L’auteur a donc examiné l’incidence des décès d’enfants souffrant de déficiences congénitales par rapport aux enfants décédés d’accidents en tant que groupe témoin à différentes distances du site d’essai du Nevada, où l’on sait que des retombées locales relativement élevées se sont produites dans un certain nombre de cas, documentés à la fois par l’AEC [12] et par des études indépendantes menées par des scientifiques de l’Université de l’Utah [13] et du « St. Louis Center for Nuclear Information » [14].
À titre d’exemple, observons le nombre annuel de décès d’enfants atteints de malformations congénitales jusqu’à l’âge de quatre ans dans l’Utah, Cet état est directement à l’est du Nevada et donc sous le vent du site d’essais : d’après les chiffres publiés dans les statistiques de l’état civil des États-Unis ainsi que les décès dans cette tranche d’âge dus à des accidents autres que ceux impliquant des automobiles. E-J. Sternglass note que le nombre moyen de décès d’enfants atteints de malformations congénitales par an au cours de la période de pré-test 1937-45 est resté relativement constant, à environ 75 cas par an. Mais il a atteint un pic de 123 cas par an en 1958, quelque cinq ans après un incident particulièrement important lié aux retombées radioactives de 1953. Il est ensuite revenu à un taux proche de celui des essais préliminaires, soit 80 cas par an, cinq ans après la fin des essais atmosphériques au Nevada. Une telle augmentation et un tel déclin, alors que les décès accidentels sont restés constants, ne peuvent évidemment pas être expliqués par une augmentation progressive du nombre de naissances par an. Au total, il semble que le nombre d’enfants susceptibles d’être décédés de malformations congénitales dans l’Utah soit supérieur à 480, si l’on se base sur une comparaison avec le nombre de décès accidentels depuis le début des essais nucléaires en 1945.
Un pic encore plus frappant du nombre de décès d’enfants atteints de malformations congénitales par rapport au nombre de décès accidentels a eu lieu dans le groupe d’âge de cinq à quatorze ans. Pour le cas de l’Utah, qui comprend les enfants ayant reçu des radiations du lait et des aliments quelque temps après leur naissance, là encore, le chercheur constate un délai de quatre à six ans entre l’exposition et le décès, tout à fait similaire à celui observé à Hiroshima et à Albany-Troy, dans l’État de New York ceci correspond au fait que les enfants nés avec une malformation congénitale sont beaucoup plus susceptibles de développer une leucémie, avec un délai de quatre à six ans avant le pic d’incidence.
Le taux de décès par leucémie pour tous les enfants âgés de cinq à quatorze ans, dont Stewart [1] et MacMahon [2] ont montré qu’il reflétait le plus fortement les effets de l’irradiation périnatale.
L’auteur observe que des pics statistiquement significatifs sont apparus quatre à six ans après que les tests connus aient déposé des retombées radioactives dans l’Utah. Ce sont apparemment les nourrissons qui sont touchés à la fois avant et après la naissance. De plus, les augmentations relatives étaient supérieures à celles observées dans le comté témoin du Minnesota, comme le chercheur pouvait s’y attendre suite à la grande proximité du site d’essai. Les effets sont observés à la fois au niveau des taux annuels qu’à ceux pour 100 000 habitants. Ils confirment les résultats initiaux obtenus à Albany-Troy. Aucune autre explication de ces hausses puis des baisses frappantes des taux de mortalité par leucémie et par malformation congénitale n’est connue. Quant à la raison pour laquelle des effets si importants et inattendus des retombées ont été observés alors que l’on croyait les niveaux de radiation si bas qu’ils pouvaient être considérés comme complètement sûrs, ils sont évidemment liés à la sensibilité beaucoup plus grande de l’embryon et du nourrisson par rapport à celle de l’adulte.
En outre, la gravité des effets est également liée à la concentration biologique de certains isotopes dans la chaîne alimentaire, principalement dans le lait : ceci n’était pas largement connu à l’époque où les tests ont commencé. Une autre raison est la concentration sélective de certains isotopes dans divers organes critiques du corps humain, dont les conséquences biologiques n’étaient pas pleinement estimées pour la phase sensible du développement de l’embryon et du fœtus. Ainsi, les études expérimentales menées sur des animaux de laboratoire par Walter Mtiller, publiées en 1967 [15], suggèrent que le strontium 90 et les autres éléments alcalino-terreux ( Calcium, baryum, radium – puis plus légers – béryllium et magnésium) dont il est connu depuis longtemps que l’organe cible de prédilection est l’os, peuvent également produire des effets biologiques et éventuellement génétiques par l’intermédiaire de la désintégration de leurs descendants comme l’yttrium 90.
Ces descendants, comme l’yttrium 90, se concentrent de préférence dans des glandes vitales telles que l’hypophyse, le foie, le pancréas et les glandes reproductrices mâles et femelles[16],[17]. |
Le chercheur précise qu’ils se trouvaient apparemment encore confrontés à un autre effet de concentration biologique imprévu, semblable aux surprises qu’ils avaient eu lorsque ils avaient découvert le danger particulier de l’iode 131 pour la thyroïde des nourrissons et du strontium 90 et 89 pour les os via la voie initialement insoupçonnée du lait produit par des vaches broutant des pâturages contaminés.
6 – Mortalité infantile et rejets des réacteurs nucléaires – détection précoce
L’auteur déclare que les effets inattendus sur le développement de l’embryon et du nourrisson des produits de fission libérés par les réacteurs nucléaires et les installations de traitement de combustible sont apparus pour la première fois en étudiant, état par état, l’évolution de la mortalité infantile après le premier essai d’arme nucléaire au Nouveau-Mexique en 1945.
Quatre cartes des quatre années qui ont suivi cet essai, montrent les variations en pourcentage par rapport à la tendance des cinq années précédentes : ces dernières font apparaître, non seulement un changement à la hausse de la mortalité infantile directement à l’est et au nord-est du Nouveau-Mexique, mais aussi dans les états situés à l’est de l’installation de production de plutonium de Hanford, dans l’État de Washington. Ces réacteurs et installations de Hanford fonctionnaient à des niveaux très élevés depuis 1944 et libéraient dans l’environnement les gaz rares qui ne pouvaient pas être piégés facilement. De plus, à plusieurs reprises, il y a eu des des accidents graves lors de l’extraction du plutonium des éléments combustibles d’uranium usés par des techniques chimiques : ces éléments combustibles se sont enflammés et ont rejeté de grandes quantités de produits de fission dans l’environnement .[18]
Les changements dans la mortalité infantile ont été plus importants dans le Dakota du Nord que dans les régions sèches de l’Idaho et du Montana de même qu’en Arkansas et en Louisiane par rapport au Texas plus sec pourtant plus proche du site d’essai au Nouveau-Mexique. Cela correspond au fait bien connu que 90 % des retombées troposphériques fines tombent avec la pluie : la ligne des fortes pluies passe par le centre des États-Unis, juste à l’ouest du Mississippi, du Dakota du Nord jusqu’à l’est du Texas au sud.
Cette interprétation est confirmée par une analyse plus détaillée de l’évolution de la mortalité infantile dans les comtés proches de l’unité de Hanford, avant et après son entrée en service entre 1943 et 1945. Les comtés où se trouve l’installation ainsi que ceux qui sont immédiatement adjacents à l’est et au sud ont connu de fortes augmentations de la mortalité de 150 %, tandis que les comtés témoins plus éloignés, à savoir ceux dans lesquels des stations d’échantillonnage de l’eau ont été installées par la suite, ont connu une augmentation de moins de 10 % ou ont même diminué entre 1943 et 1945.
7. Mortalité infantile à proximité des réacteurs à eau bouillante
Un schéma similaire d’augmentation de la mortalité infantile a maintenant été observé autour de trois réacteurs nucléaires commerciaux à eau bouillante (Ndr : BWR, du type de ceux détruits en 2011 à Fukushima), dans lesquels la conception d’une seule boucle de refroidissement ne permet pas un confinement aussi élevé des produits de fission s’échappant des éléments combustibles corrodés que dans le réacteur à eau pressurisée du type de ceux de sous-marin.
Comme le décrivent des publications du « Bureau of Radiological Health » [19], ces réacteurs ont émis jusqu’à 800 000 curies de produits de fission et d’activation, ainsi que des neutrons sous forme de gaz [20].
Pendant ce temps, le prototype de réacteur à eau pressurisée de Shippingport, en Pennsylvanie, émettait un millième de curie par an.
Le premier BWR étudié est celui de Dresde dans l’Illinois, à 129 km au sud-ouest de Chicago. Comme près de deux tiers de la population de l’Illinois vit dans un rayon de 97 km autour de ce réacteur, on pourrait s’attendre à trouver des changements détectables dans la mortalité infantile pour l’ensemble de l’Illinois par rapport à d’autres États voisins, en corrélation avec les hausses et baisses d’émission lorsque les éléments du combustible sont remplacés.
Le graphique de la mortalité infantile de l’Illinois, comparé à celui de l’Ohio à quelque 322 km à l’est, montre que cela semble bien s’être produit pour la période de 1959 à 1968. On peut voir qu’à l’époque des essais nucléaires au Nevada, l’Ohio et l’Illinois affichaient la même mortalité infantile, mais quelques années après la fin des essais, l’Ohio a amorcé un déclin régulier, tandis que l’Illinois a connu un pic fortement corrélé avec celui des émissions gazeuses émises entre 1964 et 1967.
Le degré de corrélation peut être jugé sur la différence des taux de mortalité infantile entre l’Illinois et l’Ohio en fonction des rejets gazeux annuels. Le coefficient de corrélation est de 0,865, et le test t de signification est égal à 4,565, ce qui pour les sept degrés de liberté donne P << 0,01.
Pour l’auteur, comme dans le cas de Hanford, il est intéressant de voir si l’effet peut également être détecté dans les États voisins à l’est, direction dans laquelle les vents dominants se situent selon les modèles météorologiques. Le taux de mortalité infantile de l’Indiana voisin se situe exactement entre celui de l’Illinois et de l’Ohio, après la fin des essais au Nevada et la production par le réacteur de Dresde de rejets avec d’importantes doses d’expositions externes, comparables à celles des tirs atomiques lointains.
De même, dans le Michigan, juste au nord de l’Indiana, la mortalité infantile a commencé à baisser de manière constante entre l’Illinois et l’Ohio plus éloigné, lorsque le déclin général a commencé après la fin des essais nucléaires en 1963. On pourrait également s’attendre, sur la base de cette hypothèse, à ce qu’un état situé loin au nord-ouest de l’Illinois, de fait sous le vent, enregistre une baisse encore plus rapide après la diminution des retombées des essais d’armes atomiques. On constate que c’est effectivement le cas pour le Dakota du Nord comparé à l’Illinois.
Les taux pour ces deux états semblent avoir été identiques pendant la période d’essais intensifs au Nevada et de production de plutonium à Hanford avant 1964, malgré la grande différence de pollution atmosphérique ordinaire et de caractère socio-économique des deux États. Mais après la fin des essais nucléaires des États-Unis et de l’U.R.S.S., le Dakota du Nord a connu un déclin rapide, passant de près de 25 pour 1000 naissances à moins de 18 en 1968. Cela est advenu malgré le manque bien connu de soins médicaux suffisants dans ces zones rurales.
Ces résultats suggèrent que, bien que la pollution atmosphérique ordinaire soit sans aucun doute préjudiciable à la santé : la radioactivité libérée par les essais nucléaires et les centrales nucléaires semble avoir des effets beaucoup plus graves sur le développement précoce de l’embryon et du nourrisson. |
Pour vérifier cette hypothèse, l’auteur a comparé l’évolution de la mortalité infantile dans les six comtés immédiatement adjacents à la centrale de Dresde durant les années qui ont suivi la plus forte augmentation des émissions avec celle de six comtés témoins situés à plus de 64 km à l’ouest. Ils ont été choisis pour être aussi éloignés que possible dans le nord de l’Illinois, ne bordant ni cet Illinois ni le Mississippi qui sont connus pour être pollués par des déchets radioactifs.
Le résultat de ce test pour 1966 par rapport à 1964 montre, là encore, le même schéma général que pour les réacteurs de Hanford : les comtés proches affichent des hausses beaucoup plus importantes que les comtés témoins plus éloignés, de caractère rural et offrant des soins médicaux comparables.
Dans le cas du réacteur de Dresde, il est possible d’effectuer un test encore plus crucial du mécanisme biologique qui peut être impliqué dans l’apparition d’un effet aussi important pour des doses externes mesurées relativement faibles : même l’année du pic d’émission de 1966 qui n’a pas dépassé 0,70-0,80 mGy à la limite de la centrale si on utilise les mesures disponibles de 0 ,15-0,25 mGy par an pour les années 1967 et 1968 pour calculer la dose.
Comme vu brièvement plus haut [21], l’effet le plus grave est probablement un effet indirect, par lequel le rayonnement agit sur les processus biochimiques clés dans des glandes cruciales contrôlant le métabolisme et la croissance comme l’hypophyse et la thyroïde. Cette action pourrait conduire à une légère diminution du poids à la naissance ou à une plus grande fréquence de naissances prématurés, comme cela a été observé dans des expériences sur des animaux et, ensuite au début des années 50 chez les enfants nés aux États-Unis [22].
Une telle immaturité à la naissance se traduit par une capacité réduite à combattre les infections et par une plus grande probabilité qu’un produit chimique critique ou le fait que le surfactant (Ndr : « le surfactant pulmonaire est une substance qui prévient l’affaissement des alvéoles des poumons en diminuant la tension de surface. Le surfactant est essentiel à la fonction pulmonaire normale des nouveau-nés ») (22 bis) nécessaire au bon fonctionnement du poumon fasse défaut, entraînant une détresse respiratoire et une atélectasie ( Ndr ; « affaissement des alvéoles pulmonaires par absence de ventilation, malgré une circulation sanguine normale »)[23], de sorte que l’on pourrait s’attendre à une mortalité plus élevée au début de la vie postnatale.
Pour vérifier cette hypothèse, E-J Sternglass compare l’évolution de la fraction de toutes les naissances classées comme “prématurées” ou de moins de 2,5 kilogrammes pour le comté de Grundy par rapport à l’évolution des comtés témoins situés à l’ouest. Si les naissances prématurées sont effectivement le principal mécanisme conduisant à une mortalité infantile excessive, le chercheur s’attend alors à trouver une augmentation plus importante de la fraction de ces naissances pendant la période d’émission maximale dans le comté de Grundy que dans les comtés témoins éloignés.
Un graphique démontre cette corrélation : on constate qu’un pic de l’incidence des naissances prématurées, de près de 140 %, s’est produit en même temps que le pic des émissions gazeuses. Cette pointe a diminuée à mesure que les émissions baissaient, pendant que les comtés témoins ne connaissaient pas cette augmentation. Pour celui de Grundy, l’augmentation est passée de 3,60 à 8,70 pour cent de toutes les naissances. Ainsi, les rejets radioactifs des installations nucléaires et les explosions nucléaires semblent produire des changements similaires dans la mortalité infantile par l’action biochimique indirecte des retombées sur les organes cruciaux de production d’hormones de la mère et du fœtus : ceci entraîne une diminution de la résistance au stress environnemental qui est le plus critique dans la phase peu après la naissance.
Des schémas identiques d’augmentation de la mortalité infantile ont été trouvés pour deux autres réacteurs à eau bouillante, pour le groupe de dix petits comtés situés entre 0 et 64 km autour de la centrale de « Big Rock Point » dans le Michigan et pour le réacteur de Humboldt près d’Eureka en Californie du Nord. Là encore, on constate un arrêt brutal de la baisse existante de la mortalité infantile par rapport au pic atteint pendant la série d’essais de 1961-1962, après le rejet de grandes quantités d’activité gazeuse comparables à celles du réacteur de Dresde : pendant ce temps les régions plus éloignées, comme l’État du Michigan dans son ensemble, entre 1965 et 1967, poursuivent leur déclin.
8. Mortalité infantile et installations de traitement du combustible nucléaire
E-J Sternglass précise qu’il a déjà fait une étude détaillée sur cette question [24] ou le même schéma s’est produit pour l’usine de retraitement de combustible nucléaire exploitée par la « Nuclear Fuel Services Company » à West-Valley (NY) après sa mise en service en avril 1966 [25]. L’auteur montre que les comtés de l’ouest de l’État de New York, situés dans un rayon de 48 à 80 km, ont connu une forte hausse de la mortalité infantile l’année suivante, tandis que les comtés plus éloignés connaissaient une baisse identique à celle de l’État de New York dans son ensemble. Comme le comté de Humboldt, les régions voisines ont connu un pic à l’apogée des essais nucléaires : elles ont commencé à décliner pour inverser brusquement cette tendance après le début des rejets importants du site de déchets radioactifs.
Un cas typique est celui du comté de Genessee, N.Y., où les taux de mortalité infantile n’ont commencé à dépasser ceux du reste de l’État qu’après le début de l’exploitation de la centrale. Un historique similaire a été observé pour les comtés de Warren et Venango en aval le long de la rivière Allegheny, dont certains affluents passent à quelques kilomètres de l’unité du comté de Cattaraugus.
9. Mortalité infantile près des réacteurs refroidis au gaz
Même les rejets de gaz radioactifs relativement plus faibles d’un réacteur nucléaire refroidi au gaz semblent être capables de produire des augmentations détectables de la mortalité infantile. Ceci est démontré dans le cas du réacteur Peach Bottom situé sur la rivière Susquehanna dans le comté de York, en Pennsylvanie.
Ici encore on retrouve la chute typique de la mortalité infantile après l’arrêt des tirs atmosphériques pour les deux comtés situés de part et d’autre de la centrale à savoir ceux de York et Lancaster ainsi que le comté témoin de Lebanon similaire sur le plan agricole situé à 48 ou 80 km au nord. Le déclin s’est poursuivi jusqu’à l’apparition d’une forte augmentation des émissions résultant de défaillances du combustible. Ce dernier a débuté en 1968 et a atteint 1 milliard de curies cette année là. Après 1967, les comtés de York et de Lancaster ont inversé leur tendance, tandis que le comté témoin, plus éloigné, a simplement ralenti son rythme de déclin.
Une partie de la raison pour laquelle même les petits rejets du réacteur de Peach Bottom ont pu avoir un effet aussi important semble liée au fait que la zone environnante est une importante région de production laitière.
Des produits de filiation de gaz rares, importants d’un point de vue biologique mais à relative courte durée de vie, peuvent être présents.Il s’agit du césium 138 et le strontium 89, dont on sait qu’ils sont produits en grandes quantités à partir du xénon 138 et du krypton 89 qui sont relâchés.Ces gaz peuvent pénétrer rapidement dans l’organisme par le biais du lait et des autres produits laitiers produits localement. |
Par conséquent, le nombre de curies libérés capables de produire des effets biologiques sérieux peut être beaucoup plus faible que le nombre de curies libérés dans le cadre de l’accident.
Ainsi, le nombre de curies rejetés susceptibles de produire des effets biologiques graves peut être beaucoup plus faible que dans une usine de traitement du combustible rejetant principalement du Kr 85 qui n’a pas de produit de filiation radioactif.
10. Pollution atmosphérique nucléaire et mortalité par maladie respiratoire
Les dommages potentiels ne sont pas seulement limités aux nouveau-nés et aux jeunes enfants. Il existe des preuves qui suggèrent que les nombreux gaz radioactifs actuellement libérés par les réacteurs nucléaires et les essais nucléaires peuvent avoir un effet sérieux sur l’incidence des maladies chroniques du système respiratoire telles que la bronchite et l’emphysème qui égalent ou même dépassent les effets des polluants atmosphériques chimiques classiques.
Ceci est illustré de façon plus frappante dans la FIGURE 30, reproduite ci-contre, qui montre le nombre de décès dus à des maladies respiratoires autres que la grippe et la pneumonie pour 100 000 habitants au Nouveau-Mexique et dans l’État de New York entre 1942 et 1966. Il est clair qu’entre 1945 et 1950, il y a eu une forte augmentation des décès dus à des maladies respiratoires non infectieuses : l’incidence de ces maladies, auparavant très faibles dans l’air non pollué du Nouveau-Mexique, a dépassé d’un facteur deux le taux de mortalité pour les mêmes maladies dans la ville très polluée de New York.Ndr : l’auteur quitte donc ici le domaine de l’enfance pour étendre ses études à toutes le catégories d’âges.L’hypothèse d’un afflux soudain de personnes âgées au Nouveau-Mexique, après 1950, est écartée puisque des même cas d’augmentation spectaculaire du nombre de décès dus à des maladies pulmonaires obstructives chroniques est constaté dans un État comme le Wyoming où la pollution atmosphérique ordinaire est pratiquement nulle.Ces niveaux de taux de mortalité sont bien supérieurs à ceux de l’Illinois pourtant fortement industrialisé et pollué. De plus une situation similaire existe pour le Wyoming par rapport à la Pennsylvanie fortement polluée, où les taux de décès par maladie respiratoire en 1944 étaient cinq fois plus élevés qu’au Wyoming avant le début des essais nucléaires.A partir de ces essais, le taux au Wyoming, a commencé à dépasser celui de la Pennsylvanie.
Cet effet, apparemment important de la radioactivité dans l’air sec du centre-ouest des États-Unis, correspond à la forte activité de rayonnement bêta observée dans les régions poussiéreuses des États de l’Ouest par rapport à celle des régions à fortes précipitations à l’est du Mississippi. Dans ces zones à fortes précipitations, l’activité part dans le sol pour donner des concentrations atmosphériques plus faibles mais des niveaux de strontium 90 plus élevés dans le lait [26]. On peut également déduire que l’exploitation des réacteurs nucléaires à eau bouillante, qui rejettent de grandes quantités de gaz radioactifs, semble avoir eu un effet plus grave sur le taux de maladies respiratoires non infectieuses que l’exploitation des centrales à combustible fossile.
Au cours de la décennie 1949 à 1959, avant le début des rejets de la centrale de Dresde, le taux de mortalité pour ces maladies n’a augmenté que d’environ 10 % malgré une augmentation de 100 % de la puissance produite.
Mais dans les années qui ont suivi le démarrage de la centrale de Dresde, ce taux d’augmentation a presque décuplé, dépassant celui de New York ou de la Pennsylvanie. Depuis le début des émissions de la centrale, les maladies respiratoires et la bronchite comme cause de décès chez les enfants de plus de 28 jours dans l’Illinois, ont connu la plus forte augmentation parmi toutes les causes de décès [27]. |
Les preuves en laboratoire que les produits de fission inhalés, tels que les isotopes des terres rares, peuvent produire des maladies pulmonaires obstructives chroniques chez les animaux (Fibroadénomes, changements inflammatoires chroniques graves et susceptibilité accrue aux maladies pulmonaires infectieuses), ont récemment été rapportés par H. L. Berke et D. Deitch [28].
Un graphique montre que les nouveau-nés âgés de 0 à 28 jours semblent être particulièrement touchés par les produits de fission agissant sur les poumons : ce taux de décès par maladie respiratoire chez les nourrissons aux États-Unis, établi en éliminant la pneumonie et la grippe, a été brusquement multiplié par dix entre 1949 et 1957, suite au début des essais atmosphériques intensifs. Il est redescendu après la fin des essais atmosphériques au Nevada en 1958.
En utilisant le taux moyen de 1946 à 1949 comme taux de référence égal à 100, les augmentations des taux de cancer du poumon, des trachées et des bronches ont commencé à augmenter fortement environ cinq à neuf ans après la première explosion nucléaire au Nouveau-Mexique. L’augmentation relative la plus importante a eu lieu au Nouveau-Mexique, suivi du Wyoming. Ce dernier a enregistré sa plus forte augmentation environ sept ans après le début des essais au Nevada.
La figure 32 ci-contre montre que le taux d’augmentation des cancers respiratoires a également été influencé par la forte augmentation de la radioactivité atmosphérique due aux essais nucléaires. Durant ces phases, les changements relatifs des taux de cancer du poumon pour 100 000 habitants ont été tracés pour l’Illinois et trois États secs des montagnes de l’Ouest entre 1946 et 1966.En utilisant le taux moyen de 1946 à 1949 comme taux de référence égal à 100, les taux de cancer du poumon, de la trachée et des bronches ont commencé à augmenter brusquement quelque cinq à neuf ans après la première explosion atomique au Nouveau-Mexique. La plus forte augmentation relative a eu lieu au Nouveau-Mexique, suivi par le Wyoming, qui a enregistré sa plus forte augmentation environ sept ans après le début des essais au Nevada.L’Illinois, malgré sa forte pollution atmosphérique, qui agit certainement en synergie avec la radioactivité de l’air, a connu une augmentation deux fois moins importante que celle du Wyoming et du Nouveau-Mexique en 1966 par rapport à 1946-49. Pendant ce temps, l’Utah, dont la pollution atmosphérique est plus faible, s’est rapproché de l’Illinois pour son augmentation relative quelque sept à huit ans après le pic des essais atmosphériques dans le Nevada voisin.Pour le chercheur, le décalage observé d’environ sept ans est cohérent avec la période de latence observée de cinq à dix ans pour les mineurs d’uranium qui ont développé un cancer du poumon.
11. Évolution de la mortalité infantile à proximité d’un réacteur à eau pressurisée
Devant le projet d’augmentation considérable du nombre d’installations de centrales nucléaires (Ndr : nous sommes ici en 1972) à proximité de grandes zones d’agglomérations, l’auteur a souhaité réaliser une étude des effets possibles sur la santé des enfants de la grande région métropolitaine de New York suite aux rejets des installations nucléaires exploitées dans cette région durant les dix à quinze dernières années.
Les sources les plus importantes d’effluents de cette zone ont été le réacteur à eau pressurisée d’Indian Point situé à une trentaine de kilomètres au nord de New York, et le réacteur nucléaire refroidi au gaz du « Brookhaven National Laboratory », près d’Upton (Comtgé de Sukolk), à 80 km à l’est de Manhattan.
L’étude s’est appuyé sur les données disponibles concernant les taux de mortalité infantile pour tous les comtés de l’État de New York situés dans un rayon de 160 km autour de la ville de New York [32]. Les informations sur les rejets de l’unité numéro 1 d’Indian Point ont été obtenues à partir d’un rapport du « U.S. Department of Health » ainsi que des résumés officiels de l’AEC sur les rejets des réacteurs [33].
L’auteur note à nouveau l’importance du fait qu’en dehors du tritium, les rejets de gaz et de liquides radioactifs étaient beaucoup plus élevés pour le réacteur d’Indian Point que pour les réacteurs à eau pressurisée de type naval comme celui de Shippingport. Il pose donc ici les mêmes critiques pour les réacteurs à eau pressurisée (PWR) que précédemment pour ceux à eau bouillante (BWR). |
Les chiffres sur les rejets de déchets du « Brookhaven National Laboratory » dans l’environnement ainsi que ceux sur les doses de rayonnement externe produites par les rejets gazeux et leurs retombées ont été obtenus à partir d’un rapport de A. P. Hull [34]. En utilisant les débits de dose hebdomadaires moyens des stations de surveillance situées à l’extrémité nord-est du terrain du laboratoire et à 7,7 km au nord.
Comme pour toutes les autres études décrites ici, dans le but de tenir compte d’autres facteurs connus pour avoir un impact sur la mortalité infantile (facteurs socio-économiques, soins médicaux, alimentation, médicaments, pesticides, climat, pollution de l’air, maladies infectieuses, retombées et divers facteurs inconnus), qui pourraient influencer les changements dans la mortalité infantile en plus du rayonnement de faible niveau provenant des rejets, tous les changements dans la mortalité dans les comtés proches de la centrale ont été comparés aux comtés voisins aux caractères socio-économiques similaires n’ayant pas de source importante d’effluents radioactifs.
Afin de corriger le caractère plus rural des comtés plus au nord que celui de Westchester et donc créant des situations socio-économiques différentes (soins médicaux et pollution atmosphérique différente), l’auteur a normalisé les taux de mortalité infantile de manière appropriée et a ensuite examiné les changements en pourcentage après le début des émissions. Puisque le chercheur s’attend à ce qu’une petite dose donnée de rayonnement ait à peu près le même effet relatif sur les changements de mortalité, quel que soit le taux absolu, cette technique permet de détecter les changements dans le temps ainsi que les changements avec la distance de la source, malgré des différences sur les soins médicaux et le niveau économique.
Les comtés à plus faible population peuvent alors être regroupés en unités plus grandes ayant approximativement la même distance par rapport au point de rejet de l’effluent.
Le test le plus simple et le plus direct consiste à tracer le schéma de la mortalité des nourrissons « nés vivants » de 0 à 1 an au décès pour 1000 « naissances vivantes » pour les deux comtés entourant immédiatement le réacteur d’Indian Point et de le comparer à l’historique du comté de Nassau situé de 48 à 80 km de là. L’auteur a pu constater que pendant une période de six ans avant le début des rejets importants de l’usine d’Indian Point en 1964, les taux de mortalité infantile pour Nassau et Westchester-Rockland étaient essentiellement les mêmes dans les limites de la fluctuation statistique (cette fluctuation représente environ cinq pour cent ou encore 1 cas pour 1000 naissances) qui existe déjà pour les 300 à 500 décès observés par an.
Il y a eu des hausses apparemment associées aux retombées des grandes séries d’essais en 1958 et 1961-1962 avant le début des rejets importants de l’usine d’Indian Point en 1964. Cependant, les deux comtés présentaient exactement les mêmes taux de mortalité infantile, de 19,1 en 1961. Cette année de 1961 à été celle où les retombées dans l’air étaient les plus faibles juste avant la reprise des essais atmosphériques par l’U.R.S.S. à l’automne 1961.
Ndr : il est terrible de voir un effet sanitaire délétère mesurable aux États-Unis alors que le lieu de l’explosion de « Tsar Bomba » se situait à plus de 9 000 km du site d’étude !
Cependant, après le début des rejets du réacteur d’Indian Point, la mortalité infantile à Nassau a diminué, comme dans la plupart des régions des États-Unis après la fin des essais nucléaires : celle de Westchester et Rockland a augmenté et est restée élevée pendant quatre années consécutives. Ce n’est qu’en 1966, après que les émissions aient commencé à baisser suite au remplacement du combustible du cœur d’origine qui fuyait de manière importante, que la mortalité infantile de Westchester et Rockland a baissé à un niveau proche de celui de Nassau. Si l’on trace maintenant la différence de mortalité infantile entre les deux comtés les plus proches du réacteur et qu’on la compare aux rejets annuels de déchets radioactifs liquides sous forme de produits de fission mixtes (émetteurs bêta et gamma autres que le tritium) exprimés en pourcentage de dépassement du taux de Nassau, on constate une relation linéaire directe entre la surmortalité et la quantité d’activité en pourcentage de la limite autorisée de rejets liquides.
En appliquant une procédure d’ajustement par les moindres carrés aux données pour la période de 1963 à 1969. [Ndr : cette méthode « des moindres carrés » permet de comparer des données expérimentales entachées d’erreurs de mesure à un modèle mathématique censé décrire ces données. Elle permet de minimiser l’impact des erreurs en ” ajoutant de l’information ” dans le processus de mesure – https://www.techno-science.net/definition/6004.html ]
Suite à des explications pointues, l’auteur montre que le coefficient P est inférieur à 0,01 ( Ce coefficient correspond au degré de signification).
Puisque, les niveaux de rejets gazeux ont suivi de près les rejets liquides en termes d’ampleur, pour l’auteur, on peut s’attendre à ce que, non seulement les zones bordant le fleuve Hudson mais aussi les zones exposées aux rejets gazeux soient affectées. Le chercheur utilise, comme vérification indépendante de ce résultat, la comparaison des changements de la mortalité infantile pour les deux comtés proches du réacteur avec les comtés situés à plus de 64 km au nord et au nord-ouest (Columbia, Greene, Sullivan et Ulster), regroupés de manière à fournir une population totale plus proche de celle de Westchester et Rockland.
Afin de permettre une telle comparaison malgré le caractère plus rural de ces comtés de contrôle, leur taux de mortalité infantile a été calculé sur la base de la population totale des comtés témoins : leur taux de mortalité infantile a été normalisé pour être égal à celui de Westchester-Rockland en 1961. Cette année là, Nassau présentait le même taux de mortalité infantile que les deux comtés voisins d’Indian Point.
On constate que, comme dans le cas de la comparaison avec le comté de Nassau, le groupe témoin présente un schéma très similaire avant 1964, mais dès 1966, quand les émissions ont eu lieu, un écart important apparaît.
Les comtés de contrôle affichent une baisse rapide de la mortalité infantile, tandis que les comtés proches affichent une hausse suivie d‘années sans baisse.
Une fois encore, l’auteur fait observer la corrélation entre l’excès de mortalité infantile des comtés exposés par rapport aux comtés témoins plus éloignés : comme dans le cas de l’utilisation de Nassau comme référence, il existe une corrélation forte et positive entre la surmortalité et la quantité de déchets radioactifs rejetés en pourcentage de la limite autorisée. Le coefficient de corrélation de 0,957 conduit à nouveau à une faible probabilité que cette association soit due au hasard. En outre, la quantité de changement par unité de rejet radioactif est très proche de celle obtenue en utilisant ce groupe de contrôle et en utilisant le comté de Nassau, dans la limite de la précision des données.
En utilisant la même procédure de normalisation pour le groupe de comtés intermédiaires au nord de Westchester et Rockland, à savoir Dutchess, Orange et Putnam, il est maintenant possible de vérifier si, eux aussi, présentent un schéma intermédiaire entre les comtés proches et les comtés plus éloignés pendant la période de pic d’émissions de la centrale d’Indian Point.
Le résultat en 1966, année du pic d’émission, est présenté dans la figure 39 ci-contre : les trois groupes de comtés ont été représentés en fonction de leur distance moyenne par rapport à la centrale d’Indian Point. Non seulement les comtés intermédiaires montrent la position intermédiaire prévue dans le changement de la mortalité infantile, mais les trois groupes montrent une dépendance à la distance conforme avec une première loi de puissance inverse attendue pour les gaz à longue durée de vie diffusant à partir d’une cheminée [35].
Pour vérifier l’hypothèse selon laquelle les changements de la mortalité infantile sont associés aux rejets de la centrale d’Indian Point, E-J Sternglass fera la même démarche pour les comtés de Nassau et Suffolk au sud-est, et, là encore, la tendance à la baisse de la mortalité correspond à l’hypothèse.
Pour le chercheur, il est intéressant de voir si, malgré son modèle socio-économique beaucoup plus pauvre, les problèmes de pollution de l’air et les soins médicaux, la ville de New York affiche une baisse de la mortalité infantile pendant la période où Westchester et Rockland ont connu une augmentation au-dessus du niveau de 1961. En utilisant le même procédé de normalisation, la mortalité infantile infantile pour la ville de New York, est en fait en baisse après 1964, mais pas aussi rapidement que la mortalité infantile de Westchester et Rockland, comtés plus éloignés au nord et à l’est.
Ainsi, le schéma de la mortalité infantile change après le début des rejets de radioactivité de la centrale d’Indian Point. Un diagramme à barres montre une cohérence avec un effet causal des rejets sur la mortalité infantile identique aux effets déjà constatés pour sept autres réacteurs nucléaires et installations de traitement de « combustible ».
En prenant comme référence les comtés témoins au nord ou à l’est, la surmortalité infantile associée à un rejet de 43,7 curies par an de produits de fission mixtes dans les déchets liquides et de 36,4 curies de gaz nobles et d’activation d’activation est de 41 pour cent. Pour l’année 1966, cela représente une surmortalité de d’environ 100 nourrissons de 0 à 1 an dans les comtés de Westchester et de Rockland sur un total de 367 nourrissons qui sont morts dans leur première année de vie en 1966.
Pour la ville de New York, en supposant que les changements relatifs montrés pour 1966 puissent être attribués aux rejets de l’usine, la surmortalité serait d’environ 26 pour cent.
Pour New-York, cela signifierait que sur le total de 3 686 décès de nourrissons pour l’année 1966, environ 750 sont probablement morts à cause de l’exploitation de l’usine d’Indian Point. |
Ainsi, bien que la ville de New York soit plus éloignée que Westchester et Rockland, en raison de sa grande population, le nombre total de décès supplémentaires est environ sept fois plus élevé que pour les comtés voisins.
12. Effets des retombées de faible niveau des essais nucléaires à Long Island, N.Y.
Pour le chercheur, les résultats sont encore si graves qu’il est essentiel d’appliquer encore d’autres voies d’analyses pour tenter de déterminer si l’association observée est bien de nature causale.
Ainsi, si de faibles niveaux de rayonnement à proximité d’une centrale nucléaire, bien inférieurs aux 5 mGy par an autorisés pour tout individu peuvent effectivement produire des effets aussi graves sur l’embryon à ses débuts, alors des effets devraient être observés pour les faibles niveaux de rayonnements des retombées mesurés à Brookhaven sur une période de plusieurs années [32].
Dans l’hypothèse ou le comté de Nassau sur Long Island, juste à l’ouest du comté de Suffolk, ait reçu essentiellement les mêmes niveaux de retombées que Brookhaven, il est possible d’observer si les niveaux changeants de la dose annuelle de retombées se sont bien accompagnés de changements correspondants dans la mortalité infantile à Nassau. Les données sur les taux de mortalité infantile pour Nassau sur la période suivant les premiers grands essais de la bombe H dans le Pacifique en 1954, ainsi que la dose annuelle de rayonnement gamma externe mesurée à Brookhaven [34] (Table VII ci-dessous) montrent que lorsque la dose de rayonnement est passée d’environ 0,06 mGy/an en 1955 à 0,515 mGy/an en 1959, la mortalité infantile a augmenté de 17 % : elle est passée de 18,1 à 21,2 pour mille « naissances vivantes ». Cette première augmentation a été suivie d’un deuxième pic associé à la série de tests de 1961-1962, suivi à nouveau, en l’espace d’un an, d’un nouveau pic de mortalité infantile.
TABLE VII
DÉBITS DE DOSE DE RAYONNEMENT DE FOND EXTERNE ET REJETS DE DÉCHETS AUX « BROOKHAVEN NATIONAL LABORATORIES (BNL) » [34]
La dose/année de rejet de BNL est la différence entre la dose mesurée à la station du périmètre nord-est et celle de la station située à 7,7 km au nord ; les mesures de dose en 1952 proviennent de la station située à 3,5 miles au sud du périmètre de BNL.L’année 1951 présente le débit de fond le plus faible à la station située à 7,7 km considérée comme le débit de fond naturel avant les principaux essais d’armement et les rejets du BNL.
En utilisant comme référence la ligne reliant les points de 1955, avant la hausse, et de 1966, après la fin des essais à grande échelle, il est possible d’obtenir des estimations de la surmortalité infantile annuelle et de les comparer à la dose gamma externe mesurée : E-J Sternglass constate que la surmortalité infantile à Nassau est fortement corrélée avec les niveaux changeants de rayonnement des retombées, en croissance ou décroissance selon que les niveaux de retombées augmentent ou diminuent de façon répétée. Le coefficient « P » inférieur à 0,01, en fait une association hautement significative.
Ainsi, ces données suggèrent qu’une dose aussi faible que 0,01 milligray par an de retombées radioactives provenant du sol, soit seulement environ un pour cent du rayonnement naturel, conduit à une augmentation de près de 0,25 pour cent de la mortalité infantile. |
13. Leucémie dans le comté de Nassau – Long Island – associée aux retombées.
Comme autre test de l’hypothèse selon laquelle de si petits niveaux de radiation puissent effectivement mener à des augmentations détectables de la leucémie, même lorsqu’ils sont administrés sur une période de plusieurs mois au lieu de quelques secondes comme c’est le cas pour les radiographies de diagnostic, E-J Sternglass examina les évolutions dans la leucémie dans le comté de Nassau et les compara avec les changements dans le rayonnement gamma externe des retombées.
Étant donné que la période de latence typique de survenue de la leucémie est de quatre à six ans pour l’enfant irradié in utero ou au début de la vie postnatale [1], [2], [3], [4], la comparaison doit être effectuée avec le niveau de radiation existant cinq ans plus tôt. Les données sur la leucémie pour le comté de Nassau sont donc présentées avec la dose de rayonnement externe mesurée cinq ans avant la mortalité due à la leucémie.
Cette observation montre un comportement parallèle frappant pour les deux quantités. Ceci est confirmé par la corrélation calculée, qui est forte et positive avec un coefficient de corrélation de 0,819, correspondant à un coefficient P < 0,02. La pente obtenue par « l’ajustement des moindres carrés »(voir § 11) est de 0,0049 + 0,13 pour cent/mGy/an, comparable à la pente reliant l’augmentation en pourcentage de la mortalité infantile et le rayonnement des retombées.
À partir de ce résultat, l’auteur calculera la dose de doublement, ou la dose pour une augmentation de 100 %, de 2,04 + 0,54 mGy par an, soit 0,051 + 0,13 mGy sur une période de trois mois. Si l’on considère que cela ne représente que la dose externe, une dose double totale de 0,80 mGy pour l’embryon précoce au cours du premier trimestre, telle qu’elle a été obtenue par l’étude des effets des rayons X utilisés en diagnostic, n’est pas déraisonnable pour les retombées radioactives. Il n’y a donc aucune preuve d’une moindre efficacité d’une exposition prolongée aux rayonnements par rapport à une exposition à de hauts débits de dose des rayons X de diagnostic sur l’embryon et le fœtus au stade précoce.
On ne devrait donc pas être surpris de trouver des changements similaires dans la mortalité infantile qui impliquent des défauts génétiques subtils conduisant à une légère immaturité à la naissance : ceci tend à augmenter considérablement le risque de décès par maladies respiratoires ou infectieuses [22]. De tels changements dans l’immaturité ou le poids réduit à la naissance ont été observés dans le comté où se situe le réacteur de Dresde, parmi les enfants nés aux États-Unis depuis le début des années 1950 [22]. C’est à cette époque que les essais nucléaires à grande échelle ont commencé. En fait, la mortalité dans tous les groupes d’âge a connu une forte augmentation au début des années 1950, comme l’a souligné pour la première fois I. M. Moriyama [9].
14. Mortalité infantile près du Brookhaven National Laboratory, Long Island, N.Y.
Pour le chercheur, les constatations précédentes conduisent à penser que les effluents gazeux et liquides du réacteur refroidi au gaz de Brookhaven peuvent également avoir entraîné des changements détectables dans la mortalité infantile dans le comté de Suffolk. Cela semble avoir été le cas : la mortalité infantile dans ce comté est liée aux rejets des effluents radioactifs produits à Brookhaven. L’augmentation anormale de la mortalité infantile dans le Suffolk entre 1953 et 1960, par rapport à Nassau, est fortement associée à l’activité déclarée produite à Brookhaven et à la fraction rejetée dans les cours d’eau [34]. Ces rejets atteignent les puits servant à l’irrigation et à l’approvisionnement en eau potable dans le Suffolk. Avant et après cette période, les comtés de Suffolk et Nassau présentaient les mêmes taux de mortalité infantile. Avec la réduction drastique des rejets qui a eu lieu depuis le pic d’activité de 1959, la mortalité infantile dans le Suffolk a diminué, passant d’un pic de 24,1 % en 1960 à 19,3 % en 1963 : une chute sans précédent de 25 % en seulement trois ans.
15. Mortalité infantile et essais souterrains
A plusieurs reprises, des quantités significatives de radioactivité se sont échappées dans l’atmosphère lors d’explosions nucléaires souterraines. La plus grave s’est produite sur le site d’essai du Nevada le 18 décembre 1970, au cours d’un essai d’une arme dite “tactique” annoncée comme étant de l’ordre de 20 kilotonnes [36]. On rapporte qu’un nuage radioactif s’est élevé jusqu’à une altitude de quelque 2,4 km, et qu’il a dérivé vers le nord et le nord-ouest [36] ou vers l’Idaho et le Montana. Comme indiqué dans les « Données et Rapports de Santé Radiologique » [37] , les niveaux de d’activité bêta brute dans l’air de surface, le dépôt total d’activité bêta sur le sol et les niveaux de césium 137 dans le lait ont augmenté pendant le mois de décembre 1970 sur de vastes régions du nord-ouest et du centre des États-Unis ainsi que du sud du Canada.
Des changements à la hausse des niveaux de césium 137 dans le lait ont été enregistrés dans de nombreux états par rapport aux 12 mois précédents. Les niveaux les plus élevés ont été enregistrés dans le Montana, l’augmentation étant de 0,48 Bq/l, ce qui correspond à une augmentation de 186 pour cent. Aucune hausse ou baisse réelle n’a eu lieu dans tout le sud des États-Unis, à l’exception du Texas, du Tennessee et de la Floride. Des augmentations de césium dans le lait ont également été mesurées dans un certain nombre d’États du nord des États-Unis et du sud du Canada, ainsi que des augmentations des dépôts au sol dans des zones situées à plus de 4 800 km pour le Canada. A noter que les concentrations maximales dans l’air ou les dépôts au sol ne se traduisent pas toujours des concentrations maximales dans le lait, et cela en raison des différences de précipitations et des pratiques d’alimentation du bétail.
Les rapports mensuels sur les statistiques de l’état civil utilisés en référence sont ceux publiés par le « National Center for Health Statistics » du ministère de la Santé, de l’Éducation et du Bien-être social des États-Unis, pour les trois premiers mois de 1971. Ils ont été examinés pour déterminer les changements dans les taux de mortalité infantile dans chaque État. L’auteur observe que pour les mois de janvier et février février 1971 par rapport à la moyenne de janvier et février 1969 et 1970, la mortalité infantile a augmenté le plus fortement dans les États situés immédiatement nord-est du Nevada, tandis qu’elle a diminué dans la plupart des États plus éloignés du Sud et de l’Est, à l’exception du Maine, du Connecticut et du Kentucky, où des précipitations localisées ont vraisemblablement entraîné des niveaux de contamination plus élevés.
Une tendance similaire a été observée pour les mois de janvier, février et mars réunis par rapport aux périodes correspondantes de 1969 et 1970, avec une baisse générale des excès de mortalité infantile par rapport aux deux premiers mois suivant l’explosion.
Ainsi, le rejet accidentel le plus récent de radioactivité dans l’environnement, pour lequel il existe une documentation beaucoup plus complète sur les niveaux de radiation, confirme fortement l’hypothèse d’un lien de causalité direct avec la mortalité infantile observée à l’origine dans les états situés sous le vent du tout premier essai atomique au Nouveau-Mexique en juillet 1945.
16. Résumé et conclusion
Les preuves d’une augmentation de la mortalité infantile, de malformations congénitales et de cancers de l’enfant associés aux essais nucléaires ont récemment – nous sommes en 1972 – été corroborées par des augmentations similaires de la mortalité infantile à proximité de quatre types d’installations nucléaires connues pour rejeter des quantités de gaz radioactifs dans l’environnement. Ces rejets d’installations nucléaires ont engendré des niveaux d’activité environnementale comparables à ceux mesurés pendant les essais d’armes nucléaires.
Dans les deux types d’expositions de faible niveau, la mortalité infantile était associée à une fréquence accrue d’insuffisance de poids à la naissance ou d’immaturité.
On avait la connaissance du fait que les rayonnements de faible intensité qui agissaient sur l’embryon, le fœtus et le jeune enfant pouvaient non seulement entraîner une augmentation significative des maladies telles que des malformations congénitales et des cancers, mais ils semblent également agir indirectement en produisant de petites diminution de maturité à la naissance qui, à leur tour, peuvent augmenter le risque de décès précoce dû à diverses causes telles que la détresse respiratoire et les maladies infectieuses.
Au vu des présentes conclusions, il semble probable que la mortalité infantile et les maladies chroniques de tous âges ayant des composantes génétiques et impliquant des perturbations subtiles de la chimie cellulaire aient été plus gravement affectées par des rayonnements environnementaux de faible niveau que ce que l’on avait prédit. Ces prédictions avaient été extrapolées à partir d’études d’exposition de rayonnements de haut niveau appliquées sur des animaux de laboratoires, réalisées principalement avec l’exposition à des rayons X et des rayons gamma externes.
Discussion
Question : Alexander Grendon, Laboratoire Donner, Université de Californie, Berkeley
La brièveté de la période de discussion ne m’a pas permis de faire de commentaire. Une partie de ce commentaire a été faite après la clôture de la session du matin. Pour le reste c’est ce que j’aurais dit, si j’en avais eu le temps.
(1) Vous avez choisi comme base la période 1935-1950. Les sulfamides ont été introduits vers 1935 ; la pénicilline vers 1945. Ces traitements ont provoqué une forte baisse du le taux de mortalité. Pourquoi vous attendez-vous à ce que cette forte baisse continue plutôt que de s’attendre à un retour à la baisse progressive observée avant 1935 et à nouveau après 1950 ?
(2) Dans l’une de vos courbes, incluse dans l’article que vous avez préparé pour la réunion de la « Health Physics Society », vous montrez une forte corrélation entre les rejets de gaz radioactifs à Dresde et les taux de mortalité infantile en excès au cours des mêmes années. Puisque les radiations ne tuent pas rapidement, sauf à des taux > 101 fois ceux possibles ici, pourquoi relier la mortalité aux émissions de la même année plutôt qu’aux émissions de l’année précédente ou d’avant ? J’ai décalé vos données d’une année et, à l’œil, j’observe une corrélation approximativement nulle.
(3) En citant la mortalité infantile autour du réacteur de Humboldt et en la reliant aux émissions gazeuses, vous avez choisi les années 1964-1965 pour prouver votre point de vue. Le site Les données suivantes ont été fournies par le Département de la Santé Publique de Californie. (diapositive présentée) :
Vous avez choisi la seule paire d’années pour laquelle les données semblent confirmer votre hypothèse.
Comment justifiez-vous ce choix ? Et savez-vous qu’il y a eu une épidémie de rubéole dans le comté de Humboldt en 1965, les cas étant passés de 49 pour toute l’année 1964 à 626 pour les neuf premiers mois de 1965 ?
Réponse : E. J. Sternglass
(1) En effet, dans les régions des États-Unis où, en raison de la faible pluviosité, il y a eu très peu de retombées, comme au Nouveau-Mexique après 1945, la mortalité infantile a continué à baisser sans le moindre palier. Après 1963, dans de nombreux États dépourvus d’installations nucléaires (comme le Maine), la mortalité infantile a repris son déclin, retrouvant ou même dépassant le taux de déclin rapide caractéristique de la période 1935-1950. Il est donc clair que l’arrêt du déclin était un phénomène temporaire fortement associé aux retombées.
(2) Dans le cas de la mortalité fœtale et infantile, les décès surviennent principalement dans la période allant de quelques jours à quelques semaines après la naissance. Par conséquent, le délai entre l’exposition aux rayonnements et les décès observés peut être aussi court que quelques mois. Les décès sont d’un type indirect, comme la maladie des membranes hyalines, et non du véritable type de radiation observé à de très fortes doses.
(3) En ce qui concerne les épidémies de rubéole, de telles épidémies de maladies infectieuses sont précisément celles que l’on observe lorsque l’exposition aux rayonnements est élevée. On constate que les périodes de retombées très élevées sont suivies d’un affaiblissement du nouveau-né qui s’exprime par une brusque augmentation ultérieure de toutes les maladies infectieuses. Une telle augmentation de l’incidence de la rubéole et des autres maladies s’est produite autour du réacteur de Dresde après la période de son pic d’émission. Par conséquent, le fait de trouver la même corrélation dans le cas du réacteur Humboldt confirme l’hypothèse.
En outre, la preuve de l’augmentation des naissances prématurées pendant la période d’activité du réacteur de Dresde et de sa diminution pendant la période d’inactivité apporte un soutien supplémentaire à l’hypothèse d’un effet indirect.
Ce n’est pas moi qui ai fait le choix de la période 1964-1965 pour l’étude de la zone autour du réacteur de Humboldt. La mortalité a augmenté pour la première fois selon la publication du Bureau des radiations et de la santé, “Radioactive waste discharges to the environment from nuclear power facilities” lorsque le niveau d’émission est passé de quelques centaines de curies par mois en 1964 à 100 000 curies par mois en août 1965. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’une comparaison a été faite entre les années 1964 et 1965 ; le taux d’émission a été multiplié par mille. Cumulativement, cela fait 197 000 curies par an (Ndr : soit en unité actuelle : 7 289 000 000 000 000 Bq ou 7,3 Pbq), ce qui a entraîné l’arrêt forcé du réacteur de septembre à décembre 1965. Par la suite, le réacteur n’a pas été autorisé à être exploité à des niveaux d’émission aussi élevés jusqu’à la fin 1966. Par conséquent, l’année 1966 a montré une forte baisse de la mortalité infantile, confirmant pleinement l’hypothèse.
Vers la fin de 1966, les niveaux d’émission ont à nouveau augmenté [19], de sorte que pour l’ensemble de l’année 1966, l’émission totale était environ un tiers plus élevée qu’en 1965. Mais les effets sur les enfants irradiés n’ont commencé à se manifester qu’en 1967 – au lieu de baisser à 10-15 décès/1000/an comme prévu d’après le taux de baisse de 1961 à 1964 – la mortalité infantile est restée élevée en 1967-1968, alors que les niveaux d’émission étaient autorisés à atteindre à nouveau 100 000 curies/mois. Ainsi, en 1969, la mortalité infantile a de nouveau fortement augmenté.
Le taux pour le comté de Humboldt était de 22 décès infantiles/1000, dépassant le taux pour le reste de la Californie qui était de 18 décès infantiles pour 1000 enfants. Ainsi, les données pour le comté de Humboldt confirment pleinement l’hypothèse selon laquelle les rejets importants des réacteurs à eau bouillante entraînent une mortalité infantile anormalement élevée dans les zones voisines.
Question : J. Neyman, Laboratoire de statistique, Université de Californie, Berkeley
Bien que les graphiques présentés par le Dr Stermglass soient impressionnants, la question qui me vient à l’esprit est de savoir si les augmentations indiquées de la mortalité infantile sont réellement causées par les radiations. Il est bien connu que, au fil du temps, l’environnement est de plus en plus affecté par toutes sortes de pollutions. Il est donc possible que les augmentations de la mortalité indiquées par le Dr Sternglass représentent une somme totale de tous les polluants et, éventuellement, ne soient pas dues aux radiations.
En particulier, en ce qui concerne la première diapositive du Dr Sternglass illustrant une augmentation des décès parallèlement à l’augmentation du nombre de radiographies prises pendant la grossesse : la question se pose de savoir si les radiographies supplémentaires ont été prises en raison de certaines difficultés pendant la grossesse qui se sont ensuite manifestées par des décès de nouveau-nés.
En général, les relations de cause à effet ne peuvent être établies que par des expériences contrôlées.
Dans le cas des études d’observation, une analyse statistique complète portant sur de nombreux polluants présumés et de nombreuses localités peut représenter l’approximation d’une expérience.
Réponse : E. J. Sternglass
En ce qui concerne la possibilité que des examens radiologiques soient effectués sur des personnes malades, il convient de noter que cette question a fait l’objet d’un examen approfondi (voir Brian MacMahon). Une étude portant sur 800 000 cas radiographiés dans les hôpitaux de la Nouvelle-Angleterre a permis de conclure à l’absence d’une telle association.
En outre, le fait qu’il existe une relation directe entre le nombre de radiographies et l’augmentation du risque ne peut être expliqué par la suggestion que les personnes radiographiées étaient sujettes au cancer. Étant donné que le nombre de radiographies effectuées était le même pour tous les types de patients et qu’il était lié au nombre de vues demandées par le médecin et au nombre de répétitions nécessaires en raison d’expositions inappropriées, il ne peut y avoir d’association entre le nombre de radiographies et une quelconque caractéristique inhérente à la mère irradiée.
En ce qui concerne le lien de causalité entre les radiations de faible niveau et l’incidence de la leucémie et du cancer, il ne fait aucun doute que cela a été établi dans des expériences de laboratoire sur tous les types d’animaux, et dans le cas de l’homme, il y a les effets du bombardement d’Hiroshima et les retombées dans l’Utah et à Albany, N.Y., où tout le monde a été irradié indépendamment des antécédents médicaux ou des tendances. La réponse directe à la dose à Hiroshima rend très improbable l’association entre les rayonnements et le cancer, la leucémie et d’autres problèmes similaires d’origine génétique, qui ne pourrait être que causale. En outre, la relation entre les rayonnements de faible niveau et la réduction du poids à la naissance a été démontrée en laboratoire. Il ne fait aucun doute que de faibles niveaux retardent la croissance des portées d’animaux et, par déduction à partir d’études sur des enfants exposés à Hiroshima et accidentellement à des radiations thérapeutiques, chez l’homme. En outre, il a été observé dans une série d’environ 1000 mères enceintes irradiées au cours de radiographies pelviennes régulières – qui avaient été prescrites à toutes les femmes enceintes étudiées par le Dr M. L. Griem à l’Université de Chicago au milieu des années 1940 – que leur progéniture présentait une augmentation significative de tous les types de maladies et de défaillances. Notez qu’aucune sélection des patients n’avait été faite dans cette étude ; chaque femme enceinte qui demandait des soins prénataux normaux ont été irradiées.
De même, aucune sélection fondée sur les difficultés rencontrées avant ou pendant la grossesse n’a été opérée dans le cas de quelque 800 femmes enceintes auxquelles on a administré des doses traçantes de fer-59 dans le cadre d’une étude des besoins nutritionnels menée par P. F. Hahn et ses collègues de l’Université Vanderbilt à la fin des années 1940. Là encore, un excès significatif de cas de leucémie et d’autres cancers a été observé parmi les 679 enfants (P = 0,03), malgré les doses extrêmement faibles administrées au fœtus, qui variaient de 0,359 à 17,8 milligrays, comparables aux doses reçues dans de nombreuses situations de retombées et de diagnostic aux rayons X [38]. Ainsi, il semble donc extrêmement improbable que l’on puisse tirer une autre conclusion que le fait que les rayonnement de faible niveau produit le cancer, la leucémie et un retard de croissance conduisant à une sensibilité accrue aux maladies respiratoires et autres maladies infectieuses.
Question : T. Sterling, Département des mathématiques appliquées et des sciences informatiques, Université de Washington
Il est vrai que le Dr Sternglass a utilisé des données médiocres et d’autres bonnes. Il est également vrai qu’il s’en est remis au jugement d’experts reconnus. Par exemple, les données du Dr. Stewart sont basées sur un échantillon auto-sélectionné et peuvent être biaisées. Les données sur le thymus – c’est-à-dire les enfants irradiés pour une maladie du “thymus” lorsqu’ils étaient enfants, et suivis dans le cadre d’une étude prospective – ne sont pas fiables. enfants, et suivis dans le cadre d’une étude prospective) présentent les mêmes défauts que ceux signalés par Saenger, Silverman et moi-même (E. L. Saenger, F. N. Silverman, T. D. Sterling, et M. E. Turner, “Neoplasia following therapeutic irradiation for benign conditions in childhood,” Radiology, Vol. 74 (1960), pp.889-904). Mais, les confrontations des docteurs Sternglass et Totter font partie d’un modèle. Au cours des 15 dernières années, nous avons connu des controverses – pour n’en citer que quelques-unes : la pilule contraceptive, les radiations à faible dose, le tabagisme, et maintenant, les pesticides et autres. et autres. Ces controverses sont basées sur une solide base d’opinions et très peu de données “concrètes”. Nous passons constamment en revue les rapports.
Ce qu’il faut, ce sont des mécanismes d’examen des données, et des déclarations faisant autorité sur les types de données nécessaires aux déductions dans les domaines de controverse en question. « L’American Statistical Association » a fait preuve d’une grande efficacité dans la prestation de ces services publics par le biais de commissions spéciales. Une autre source de critères faisant autorité serait la nouvelle section de biostatistique de la « National Academy of Science-National Research Council » – Conseil national de la recherche. On devrait leur demander d’examiner ces questions et d’agir en conséquence.
Réponse : E. J. SternglassJe suis tout à fait d’accord que cette information devrait être examinée par la NAS, et je crois savoir qu’elle est en train de le faire.
En ce qui concerne les données de Stewart et MacMahon, il est peu probable qu’un facteur non reconnu se soit glissé dans leur sélection de patients. Que les paramètres eux-mêmes, que les épidémiologistes sont formés à reconnaître aient échappé à l’examen de professionnels aussi réputés est une possibilité infime qui, dans le cas d’une question aussi sérieuse que celle-ci, semble déplacée.
Question : J. R. Totter, Division de la biologie et de la médecine, Commission de l’énergie atomique Je n’ai encore jamais commenté la présentation du Dr Sternglass parce que j’estimais qu’il avait fait un usage abusif des données de façon si évidente et flagrante que son travail ne devrait pas être digne d’un commentaire scientifique sérieux. En tant que statisticiens ou biologistes expérimentaux, vous savez que même dans des expériences très bien contrôlées, les données ne correspondent jamais aussi bien à l’hypothèse testée que les données présentées par le Dr. Je crois, par conséquent, qu’il s’est convaincu de la sélection des données pour qu’elles correspondent à son hypothèse. Je ne citerai que trois exemples. Il a présenté la courbe dose-réponse de Stewart et Kneale pour les cancers infantiles mais n’a pas mentionné les données de l’ABCC qui semblent être en totale contradiction avec cette courbe. Les données du Dr Stewart étaient basées sur environ 18 personnes grays, alors que les données de l’ABCC étaient basées sur environ 350 personnes grays et, de plus, il s’agissait d’un échantillon relativement aléatoire.
Deuxièmement, il a utilisé comme base pour la mortalité infantile les années 1935-1950. La pente de la ligne avant 1935 était à peu près la même que pendant les années de “retombées” razdioactives.
Troisièmement, il n’a pas mentionné l’épidémie de rubéole de 1964-1965 en relation avec les données de Dresde.
Réponse : E. J. Sternglass
En ce qui concerne les données de Stewart et Kneale, il convient de souligner que les doses radiologiques dans des conditions d’examens médicaux avec des facteurs radiologiques bien définis sont déterminées de manière beaucoup plus précise que ce qui pourrait être fait rétrospectivement pour les cas d’Hiroshima et de Nagasaki. De plus, les données de Stewart et Kneale étaient basées sur 15 x106 enfants nés en Angleterre et au Pays de Galles dont 10 % ont été irradiés, ce qui donne une population étudiée de 1,9 x106 enfants irradiés, dont 13 000 ont développé un cancer. Environ 7000 de ces derniers ont été suivis. En revanche, dans le cas des survivants d’Hiroshima-Nagasaki, une poignée de cas de leucémie sont nés de survivants connus d’une exposition aux radiations dont la dose a pu être estimée avec précision. Ainsi, l’étude étude de l’ABCC est beaucoup moins fiable que les études de radiographie fœtale. Enfin, les études de l’ABCC souffrent du fait que les doses de retombées qui se sont abattues sur les banlieues et les et les environs étaient considérées comme nulles, alors que E. T. Arakawa (voir Neu, England Journal of Medicine, Vol. 263 (1960), pp. 488-493) a estimé que des doses de 1 gray ont été subies par les habitants dans la banlieue de Nagasaki à cause des seules retombées.
Par conséquent, il existe une grande incertitude quant à l’exposition de la population japonaise proche, et même de la population dite de contrôle qui n’aurait pas été irradiée selon l’ABCC. De toutes ces considérations, nous devons conclure que les données de l’ABCC sont bien inférieures à celles obtenues dans les études radiologiques fœtales.
Quant au choix de la ligne de base, 1935-1950, ce choix n’était pas le mien, il appartient à Moriyama du service de l’USPH, le Centre national pour les statistiques de la santé, dans son analyse des changements dans les tendances de la mortalité infantile qu’il a identifiés pour la première fois dans les années 1960. De plus, cette pente a maintenant repris sa valeur initiale depuis la fin des tests, et le nouveau déclin totalement inattendu de la mortalité infantile a suivi la diminution progressive de la radioactivité dans l’environnement.
En ce qui concerne la question de la survenue d’épidémies de rubéole comme l’augmentation de la mortalité infantile, il faut noter que de telles épidémies de maladies infectieuses infantiles sont en fait attendues sur la base de l’affaiblissement du fœtus et de l’embryon par l’exposition aux radiations, de sorte que le nouveau-né a une capacité réduite à combattre les infections de toutes sortes.
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