– 1 – Mensonge premier
Lors du lancement des programmes nucléaire civil à travers le monde, les promoteurs du nucléaire ont nié le risque d’accident majeur auprès des populations. Suite à Hiroshima et Nagasaki, il était nécessaire de créer, dans l’esprit des gens, l’image d’un atome civil bienfaiteur pour l’humanité et donc sans le moindre lien avec l’atome militaire qui venait de faire preuve de son diabolisme.
En France, la probabilité de voir cet accident majeur était infime. En 1975, le bulletin édité par le service des relations publiques d’EDF affirmait que le risque de fissures dans les tuyauteries du circuit primaire était du même ordre de probabilité que celui de la chute d’une grosse météorite sur la centrale.
Le risque d’accident grave était chiffré à 1 par million d’années pour un réacteur.
Pour un accident encore plus grave, type Tchernobyl, la probabilité tombait à 1 par milliard d’années et par réacteur.
Pourtant, tôt dans la vie des réacteurs il a été établi que l’oxydation de certains composants en acier constituait une source d’inquiétude vis-à-vis de la sûreté (« Contrôle » juin 1999).
En 1970, le rapport « Wash 1400 » dit « Rapport Rasmussen » composé de plus de 3 000 pages était établi sur la sûreté du parc de réacteurs américains. Il présentait une probabilité calculée de fusion du cœur d’un réacteur à eau sous pression (REP) de l’ordre de un sur dix mille par an. Cette probabilité ramenée à notre parc conduirait à un risque de 0,56 sur 100 sur dix ans.
En 1983, EDF réévaluait (en interne et confidentiel) ce chiffe à 1,8 /100 pour le « parc » dans les dix ans à venir (ce parc était de 48 réacteurs contre 56 en1999). Ceci faisait écrire à l’Inspecteur Général pour la Sûreté Nucléaire à EDF, P. Tanguy, que la probabilité d’un accident grave « sur une des tranches du parc français dans les dix ans à venir peut être de quelques pour-cent » (« Science et Vie » 1990).
Suite à la communication de cette information par le Canard Enchaîné, EDF démentait en affirmant que le risque n’était que de quelques pour mille. P. Tanguy pour sa part maintenait son chiffre (« Le Canard Enchaîné » 21 02 90).

Les recherches pour étudier l’accident majeur et tenter de le prévenir ont été mené par les nucléaocrates depuis de nombreuses années. Les politiques ont financés ces recherches et en connaissaient leur objet. Ils ont donc participé au grand mensonge !
Pour ne pas entraver le développement du programme nucléaire suite à la connaissance du risque, les Etats Unis ont voté une loi le « Prise Anderson Act en 1957 ». Ce texte limitait la responsabilité civile des exploitants nucléaires. En 1960 la « Convention de Paris » allant dans le même sens était signée par les gouvernements de 16 pays européens et les exploitants nucléaires.
Cette convention exempte le constructeur et les sous-traitants de toute responsabilité en cas d’accident (« GOLFECH le Nucléaire »).
En 1996 on pouvait lire dans « La Recherche » n° 286, sous la plume d’Hélène Crié que « l’hypothèse de l’accident nucléaire est accepté par les autorités, et l’on s’y prépare ».
L’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques notait en 1987 « l’absence de crédibilité » du système français de contrôle tant sur le suivi des installations que sur la protection des populations. Les gens qui juraient que la France était à l’abris de tout péril énonçaient, suite à Tchernobyl, que « le risque nul n’existe pas ». Quelques années auparavant, le « Canard Enchaîné » présentait un exercice de crise à Belleville préparé par les responsables de la sûreté. L’auteur précisait que ce scénario prévoyait des rejets de radioactivité autour de la centrale et dans un rayon de 100 km. EDF s’était évertué depuis des années à expliquer qu’une telle situation était rigoureusement impossible, la pire des catastrophe qu’elle présentait était la destruction du réacteur mais jamais le moindre rejet de radioactivité.
L’accident grave est toujours dû au fait que le cœur des réacteurs n’est plus suffisamment refroidi (pour des raisons diverses) ou trop refroidi. L’échauffement dans certains scénarios peut conduire à la destruction de l’enceinte de confinement qui entoure le cœur du réacteur – après un an de fonctionnement le cœur contient l’équivalent de 1000 bombes d’Hiroshima (« Science & Vie » n° 878). |
Les experts français, contrairement à leurs homologues américains et allemands, ne croient pas à la possibilité d’émission d’une quantité d’hydrogène suffisante, lors d’un accident, pour déclencher une explosion. Ce scénario est appelé «accident de fusion du cœur haute pression »
Suite à une étude réalisée en 1994 par EDF et l’IPSN, il est apparu que l’état d’arrêt d’un réacteur à eau correspondait à une probabilité importante de fusion du cœur – alors que généralement n’étaient prise que les seuls états de puissance ( « Technique de l’ingénieur »). Des études se sont également intéressées à la phase à long terme des accidents (compte tenu de la nécessité d’évacuer la chaleur du cœur). Là aussi la probabilité de fusion du cœur n’est pas négligeable.
Des incidents se sont en effet produits sur nos tranches de 900 Mwe (Fessenheim en 1977, Le Blayais en 1983, puis sur d’autres sites en 1993, 1994…) réacteur à l’arrêt, avec le circuit primaire partiellement vidangé jusqu’au niveau des tuyauteries des boucles du circuit primaire.
Ces problèmes ont mis en évidence le risque notable d’interruption du refroidissement du cœur. Dans ces conditions, le circuit primaire ne contient que 45 m3 d’eau dans la zone du cœur du réacteur et il ne faudrait que 20 minutes d’arrêt de refroidissement pour obtenir l’ébullition. |
Aucun envoi d’eau de secours n’a été prévu à la conception. Un système est en cours de réalisation.
Pour les situations accidentelles, 2 scénarios sont définis par l’Agence Internationale à l’Energie Atomique (AEIA).
– Les accidents de dimensionnement qui sont les conditions lors desquelles la centrale nucléaire est prévue pour résister par rapport à des limites préétablies,
– Les accidents graves qui affectent de façon importante le réacteur, causant par exemple une dégradation significative du cœur.
Des dispositions et des mesures d’organisation sont prises pour réduire les risques à un niveau jugé acceptable. Ce sont les pouvoirs publics qui apprécient ce caractère acceptable (D. Quiénart de l’IPSN dans « Technique de l’ingénieur »). L’acceptabilité n’est pas une notion figée mais une notion politique qui peut présenter des variations dans le temps et selon les pays. Pour D. Quiénart il y a, depuis une vingtaine d’années, une convergence large entre pays concernant les niveaux de sûreté à atteindre et une harmonisation progressive des critères et pratiques utilisées.
Ceci est nécessaire suite à l’existence de phénomènes physiques pouvant conduire à une large dispersion de substances radioactives.
Fin des années 70 le rapport américain « WASH 1400 » montrait que certains scénarios pouvaient entraîner la ruine de l’enceinte de confinement par surpression interne supérieure à la pression de dimensionnement. |
Début des années 90, pour essayer de remédier à ce problème, un filtre à sable – caisson métallique de 7,3 m de diamètre et 2,5 m de haut – a été installé sur le parc français (« Techniques de l’ingénieur », traité de Génie énergétique). Son efficacité n’est pas prouvée, ni en terme de colmattage ni en terme de filtrage de radioéléments.
Depuis mars 1994, la France a adopté l’échelle internationale de classement des « événements » nucléaires dite INES (International Nuclear Events Scale).
ECHELLE INTERNATIONALE DES EVENEMENTS (INES)
Conséquences : A l’extérieur A l’intérieur
7 ACCIDENT MAJEUR | Rejet majeur: effets étendus sur la santé et l’environnement | Tchernobyl 1986 | ||
6 ACCIDENT GRAVE | Rejet important susceptible d’exiger l’application intégrale des contre-mesures prévues | |||
5 ACCIDENT | Rejet limité susceptible d’exiger l’application partielle des contre-mesures prévues | Endommagement grave du cœur réacteur / des barrières radiologiques | Three Misle Island USA 1979 | |
4 ACCIDENT | Rejet mineur avec exposition du public de l’ordre des limites prescrites | Endommagement important du cœur/ des barrières radiologiques | Saint Laurent – FR. 1980 | |
3 INCIDENT GRAVE | Très faible rejets : exposition du public représentant une fraction de des limites prescrites | Contamination grave/Surexposition d’un travailleur | Bugey 5 – FR. 1984 | |
2 INCIDENT | Contamination importante /surexposition d’un travailleur | Superphénix 1987 | ||
1 ANOMALIE | Aucune importance du point de vue de la sûreté | |||
0 ECART | Aucune importance du point de vue de la sûreté |
L’Agence à l’Energie Nucléaire (AEN) de l’OCDE envisage, dans le cadre de la gestion des accidents graves, la possibilité de refroidissement des débris fondus du cœur à l’intérieur ou à l’extérieur de la cuve, la prise en compte des explosions de vapeur ainsi que le noyage externe de la cuve (« Bulletin AEN » printemps 1996).
L’AEN fait preuve d’optimisme en précisant que, bien qu’il y ait des incertitudes et que les problèmes ne soient pas réglés, la gestion des accidents grave est possible…. |
– 2 – La connaissance des risques liés à l’utilisation du nucléaire est très ancienne
Un des premiers accident avec « excursion » de puissance a eu lieu à Chalk River au Canada le 12 décembre 1952 suite à un retrait intempestif d’une barre de contrôle. Il y eu destruction du cœur et relâchement de 3,7×1014 Bq ou encore 370 mille milliards de becquerels. 31 personnes ont été irradiées.

Photo datée du 18 décembre 1952. Légende originale : Traquer les radiations
Source :
https://www.theglobeandmail.com/news/politics/energy-minister-urges-ottawa-to-ensure-ontario-nuclear-plants-are-safe/article573135/
En 1954 un essai d’injection de réactivité sur le réacteur américain BORAX a détruit l’installation.
La France a démarré un programme dédié aux essais de sûreté en 1963 avec CABRI (42 MWth), premier réacteur français , implanté à Cadarache (dédié à l’étude des accidents de refroidissement des réacteurs à neutrons rapides puis aux accidents de réactivité des Réacteurs à Eau sous pression).
En 1978 ce fût PHEBUS qui démarra à son tour, toujours à Cadarache: son but étant d’étudier les accidents de refroidissement des REP avec fusion de combustible et simulation de relâchement des produits de fission dans le cœur et l’enceinte ( d’après Loïck Martin Deidier chef du département CEA/ Cadarache dans « les réacteurs de Recherche en France » « Contrôle » n° 128).
Les premiers programmes de laboratoire a travers le monde avaient pour but de caractériser les produits de fission avant et après la dégradation du combustible.
Les seconds furent menés autour d’essais « hors pile« . Les réacteurs étaient de grande taille, pour simuler les composés chimiques relâchés lors d’un accident grave. Le but étant d’améliorer la connaissance du comportement physique des produits de fission.
Les troisièmes consistèrent à étudier la dégradation « en pile » du combustible afin d’étudier le comportement des produits de fission après leur émission du cœur.
– 3 – Des études sur l’accident majeur
– 3.1 – Phébus, des résultats pratiques qui montrent une large sous-estimation des calculs
d’après Maurice Haessler de l’IPSN /DRS Chef du service expérimentation des accidents chef de l’installation Phébus.
et Phébus Produits de fission « un grand programme international » M.Schwartz, A.Arnaud, B. Clément de l’IPSN et P. von der Hardt Commission européenne Joint Research Center (Cadarache).
L’installation Phébus simule à l’échelle 1/5000ème les éléments essentiels existants sur les réacteurs REP de 900 MWe. Les recherches portent sur la dégradation et la fusion du combustible et sur le relâchement et le transport des produits de fission jusque dans l’enceinte de confinement.
Le but du programme est d’étudier l’ensemble des phénomènes mis en jeu dans des conditions physiques représentatives d’un accident grave et d’obtenir une évaluation réaliste des rejets possibles en cas de fusion du cœur d’une centrale électronucléaire. L’accident grave considéré dans ce cas est constitué par une défaillance des systèmes de refroidissement du cœur.
Les trois premiers essais étaient destinés à étudier le mode de dégradation d’un assemblage de combustible jusqu’à la fusion ainsi que le comportement des produits de fission volatils, essentiellement des iodes.
Les deux à venir serviront à étudier le relâchement des produits de fission peu volatils et des actinides issus d’un lit formé à partir d’une tentative de renoyage de cœur comme à Three Misle Island.
Le cinquième servira à étudier l’effet de la présence d’air sur la dégradation d’un cœur en phase avancée et le relâchement de produits de fission peu volatils. De telles conditions peuvent être réunies en cas d’accident en situation de cuve ouverte ou bien après percement de la cuve du réacteur.
La séquence accidentelle consiste à monter progressivement la puissance du réacteur, la grappe de contrôle n’étant refroidie que par un faible débit de vapeur. Les températures atteintes (2 000 à 2 500 °) permettent d’obtenir un corium de quelques kilos de matériaux fondus.
Les produits de fission sont relâchés sous forme de vapeur, de gaz et d’aérosols. L’expérience a conduit à la production de 2 200 térabecquerels (2 200 millions de milliards de désintégrations par seconde).
Les relâchements d’hydrogène sont très rapides pendant l’oxydation des gaines et sa quantité dépasse largement la prévision la plus élevée des calculs.
La dégradation du combustible a eu lieu à une température nettement plus basse que celle prévue, environ 500 °C de moins.
Le plus inattendu de l’expérience concerne l’iode; une fraction importante de l’iode gazeux était présent dès le début de la phase de dégradation de la grappe alors qu’il était couramment admis que l’iode ne pouvait provenir que de la radiolyse de l’eau des puisards.
La « Gazette du nucléaire« , dans son numéro 131/132 notait que le coût de ces expériences était très élevé par rapport à l’intérêt que pouvait avoir une simulation à si petite échelle entraînant des extrapolations pouvant être fantaisistes. Ces expériences ont cependant conduit à modifier les modèles physiques pris en compte pour les calculs de l’évaluation des rejets en cas d’accident grave.
– 3.2 – Etude du comportement de l’hydrogène lors d’un hypothétique accident grave de réacteur
D’après la fiche info n°196 d’Institut de Protection et de sûreté nucléaire octobre 1997 et Science & Vie
Paru dans le trimestriel Stop Golfech premier trimestre 1998
En cas de perte de refroidissement les températures atteintes provoquent une réaction chimique de l’eau – oxydation – sur toutes les structures du réacteur. L’oxydation ayant eu lieu, de grande quantités d’hydrogène sont produites ( la formule chimique de l’eau étant H²O, un atome d’oxygène consommé entraîne la production de deux atomes d’hydrogène ). Ces quantités peuvent dépasser la tonne et si le mélange dans l’enceinte atteint 15 % de son volume, cette dernière peut être détruite.
L’accident de Three Misle Island en 1979 aux Etats Unis à mis en relief le risque représenté par le dégagement et la combustion de l’hydrogène. Lors de cet accident, suite à une combustion explosive de ce gaz, il y a eu une surpression de 2 bars et perte d’intégrité de l’enceinte (qui constitue selon EDF la troisième et dernière barrière). Lors de l’accident de Three Misle Island, le taux de dilution d’hydrogène dans l’enceinte était de moins de 8 %.

https://www.businessinsider.com/what-happened-three-mile-island-worst-us-nuclear-disaster-2019-8?
– 3.3 – L’accident nucléaire sur l’installation chargée d’étudier… l’accident nucléaire !
Dans son éditorial de la revue « Contrôle » (de l’Autorité de Sûreté d’avril 1999), André- Claude Lacoste Directeur de l’Autorité de sûreté des installations nucléaires, s’étonnait que la presse ne traite essentiellement que des réacteurs d’EDF mais très pas ceux de recherche ( La plupart sont exploitées par le CEA). Ils sont pourtant à l’origine de nombreux accidents à travers le monde, pour le niveau 4 sur l’échelle INES une liste non exhaustive de « Contrôle » en répertorie 9.Aucun de ces accidents n’est évoqué dans le document « les repères chronologiques de l’histoire du nucléaire » de 1886 à 1995 réalisé par le CEA !
Pour les réacteurs de recherche de faible puissance le risque d’accident atteint essentiellement les personnels d’exploitation. Pour les réacteurs type piscine à cœur ouvert (Osiris, Isis, Siloete) le risque concerne l’accident de réactivité. Les boucles d’essai associées aux réacteurs CABRI et Phébus présentent un risque d’agression sur le réacteur lui-même : risques d’explosion d’une boucle d’irradiation sous-pression ou celui d’interaction entre le combustible expérimental fondu et l’eau du circuit de refroidissement.
Des dispositifs ont été mis en place pour parer à ces problèmes, seront ils efficace ?
L’IPSN signalait, suite à l’essai Phébus FTP du 2 décembre 1993, qu’un rejet d’iode radioactif avait eu lieu dans l’environnement mais « en dessous des limites réglementaires et qu’aucune radioactivité n’avait été enregistrée à l’extérieur. »
La CRII-RAD pour sa part indiquait que le rejet avait été important : 160 % de l’autorisation annuelle !
– 4 – Tentatives de prévisions des accidents par le calcul:
D’après Ph. François, Alain Dubreuil-Chambardel et B. Maliverney d’EDF.
Des études sont menées pour essayer de déterminer comment un incident aurait pu dégénérer en accident ou ce qui sépare la fin d’un incident d’un accident potentiel.
L’incident est pris du point de vue de ses causes ou de ses conséquences:
– Un graphique est utilisé pour déterminer l’enchaînement de cet incident, il est dénommé arbre des causes. L’observation de ce graphique a montré que c’est un cumul de causes élémentaires qui est à l’origine des incidents.
– Un calcul est effectué pour déterminer la probabilité de la survenue d’une séquence « d’événements inacceptables » projetée dans des scénarios.
Les exploitants des centrales nucléaires ont développé depuis des années des études probabilistes de sûreté (EPS) qui sont des inventaires de scénarios accidentels quantifiés par des probabilités.
Ces EPS ont pour objet d’identifier les scénarios menant à la fusion du cœur. Cette méthode permet d’apprendre à partir d’événements qui ne se sont pas produits.
Une analyse sur 114 incidents, sélectionnés parmi les 400 survenus en 1994, a montré que :
– 10 parmi eux représentaient 97 % du risque d’évolution vers des problèmes graves(*),
– l’évaluation des risques comporte des incertitudes,
– la hiérarchisation des accidents est fiable.
Une étude de projection a été menée sur un incident précis qui a eu lieu en 1993 sur un REP de 1300 MW. Elle a montré que la crainte des experts, au moment du problème, la perte de source froide n’était pas la plus probable. En effet, la perte d’une partie de l’alimentation électrique sur un circuit aurait eu beaucoup plus de chances de se produire et aurait pu induire des conséquences beaucoup plus grave sur les pompes primaires (le fonctionnement de ces pompes sans refroidissement de leurs paliers et de leurs butées). Ces pompes n’auraient alors pas pu être arrêtées depuis la salle de commande et se seraient bloqués après quelques minutes : voilà un type de scénario ayant pu conduire à l’irradiation de l’ouvrier de Tricastin le 11 mars 1999 : cet ouvrier a encaissé en 2 minutes 17,5 fois la dose annuelle maximum fixée au niveau international , non appliquée encore en France.
(*) La probabilité de fusion du cœur la plus élevée concerne la présence d’air dans les lignes de recirculation des puisards des systèmes d’injection de sécurité et du système d’aspersion de l’enceinte. Cette probabilité s’élève à 1,35 « chances » sur 100. Vient ensuite une baisse de niveau sur le circuit de refroidissement à l’arrêt (probabilité de 3/100). Le refus d’ouverture du disjoncteur d’arrêt d’urgence se situe statistiquement à 3/1000.
Une banque de données internationale des incidents des pays membres de l’OCDE, a été constituée pour essayer de comprendre leur enchaînement. Malgré la mise en œuvre de moyens importants, la tâche est difficile à cause du nombre important d’incidents et du fait que « les grands accidents surviennent généralement à la suite de succession d’anomalies qui auraient été considérées à priori comme très peu vraisemblables, voire complètement impossible ».
L’expérience d’exploitation apporte régulièrement des surprises désagréables, c’est à dire des défaillances absolument non prévues (D. Quiénart, « Techniques de l’Ingénieur »).
– 5 – Les installations nucléaires gravement affectées par des problèmes technologiques
Un bilan non-exhaustif des problèmes technologiques a été présenté dans le journal Stop Golfech (4ème trimestre 1998) Le texte complet est disponible sur le site internet « Stop Golfech » du réseau « Sortir du nucléaire ».
– Voici quelques éléments supplémentaires. Le (grand) métallurgiste Anglais Alan Cottrel avait réussi à arrêter en 1974 le PWR anglais parce qu’il craignait des phénomènes de fissuration dans les aciers épais (« La Gazette du nucléaire »). Un seul réacteur à eau sous pression fonctionne au Royaume Uni. La suite a montrée que son pronostic était parfaitement justifié.
Les réacteurs nucléaires avaient une durée de fonctionnement prévue de 25/30 ans, Elle s’est discrètement, soudainement et miraculeusement transformée en quarante ans. Pour maintenir cette durée de vie, des pièces peuvent être remplacées à très grand coûts humains (irradiations) et financiers:
suite à des problèmes appelés « corrosion sous tension », des parties vitales doivent être remplacées.
- Couvercle de cuve :Certains types de fissures découvertes peuvent conduire à une rupture brutale au niveau des guides des grappes de commandes.
Ce type d’événement serait à l’origine d’un accident (voir premier §) qui se produirait suite à l’éjection d’une barre de contrôle (voir § suivant). Les effets pourraient être – une brèche dans le circuit primaire – la formation d’un missile pouvant traverser le béton de l’enceinte – augmentation brutale de réactivité pouvant conduire à l’emballement de la réaction de fission – déformation des structures mécaniques du cœur pouvant entraîner un blocage des autres grappes de contrôle et d’arrêt (« La Gazette Nucléaire » 113/114). La Recherche dans son numéro de septembre 1993 précise que sur le simulateur de Valduc le retrait d’une barre de contrôle provoque « une brusque augmentation du nombre de neutrons disponibles, d’ou un emballement de la réaction en chaîne, comme dans une bombe atomique. » à l’échelle 1/5000ème cela représente une puissance brève de 1000 MW ! suite à l’explosion, le combustible se disperserait et les conditions permettant la réaction en chaîne ne seraient plus remplies. Dans un réacteur industriel, le même scénario de départ entraînerait un déroulement plus grave car l’explosion affecterait les autres barres de combustible.
D. Quiénart (Directeur délégué à la Sûreté à IPSN) rajoute que toutes les tentatives pour expliquer ce phénomène de corrosion (température supposée de l’eau du circuit primaire, sensibilité plus ou moins grande du matériau utilisé, état des contraintes pour les différents adaptateurs) ont été, en partie au moins, infirmées par l’expérience. |
- Grappes de commandes : Un des deux éléments principaux du contrôle de la réaction en chaîne ( nombre de neutrons dans le cœur) est constitué par les barres de contrôle
Pour assurer les arrêts de sécurité du réacteur et étouffer immédiatement la réaction en chaîne, elles doivent chuter rapidement sous l’effet de leur propre poids.
La disponibilité de cette fonction est primordiale.
Les guides des barres de contrôle ont eux aussi montré des signes de faiblesses après seulement 5 ans de fonctionnement ! Les barres elles même sont fatiguées allant jusqu’à des ruptures.
Les déformations des assemblages combustible sont également à l’origine de freinage ou d’arrêt de grappes! 38 fois en 1997.

Source : La Gazette Nucléaire 113/114

Source :
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- Générateurs de vapeur (G.V.) :
– les générateurs de vapeur permettent d’échanger la chaleur du circuit primaire vers l’alternateur.
Ils comportent plusieurs milliers de tubes de 1 mm d’épaisseur et de 2 cm de diamètre dans lesquels circulent une eau à 300° sous une pression de 150 bars (soit 150 fois la pression atmosphérique).
La probabilité de rupture d’un tube de G.V., qui était d’un risque évalué à 1sur 10 000 à 100 000, est devenue 100 fois plus élevée !
Dans un document du Commissariat à l’énergie Atomique on peut lire qu’une rupture d’un tube de générateur de vapeur « finirait par dénoyer les éléments combustibles provoquant la rupture des gaines ( de combustible) et le transfert direct de produits de fission volatils dans l’environnement, situation véritablement catastrophique. » (« La Gazette du nucléaire » 155/156 ).
- Enceintes de confinement :
– l’enceinte de confinement sert à limiter les rejets radioactifs en cas d’accident sur la chaudière (c’est la 3 me et dernière barrière avant l’environnement). L’enceinte des centrales de 900 MWe comporte environ 250 traversées qui vont de 1,3 m à 25 cm.
Pour les centrales de 1300 et 1450 MWe, les essais d’étanchéité se font à froid ce qui ne correspond pas aux contraintes rencontrées en cas d’accident à 140 ° (Technique de l’ingénieur, traité Génie énergétique). Il est très important de noter que l’enceinte, avec le cœur du réacteur, sont considérés comme irremplaçable et déterminent la vie du réacteur.
- Circuits d’injection de sécurité:
– il y a fissuration sur les tuyauteries qui servent à injecter de l’eau sous pression en cas d’accident afin d’étouffer la réaction nucléaire et d’évacuer la puissance résiduelle. Contrairement aux problèmes découverts à l’étranger, en France, les fissures sont apparues sur des tuyauteries sans soudures.
Ce circuit comme beaucoup d’autres ne peut pas être isolé !
- Circuit de refroidissement à l’arrêt :
Pour amener le réacteur à l’arrêt il faut enlever la pression du fluide primaire et l’amener à une température de 60°. Le début de l’opération s’effectue par les générateurs de vapeur qui deviennent inefficace à 180° et 30 bars (après 6 h). Le relais est pris par le système de refroidissement à l’arrêt (RRA). Ce système assure également une fonction de sûreté. Il peut être utilisé pour refroidir le cœur lors de certains accidents.
Pendant la phase d’arrêt, en l’absence de refroidissement, la puissance résiduelle due à la seule radioactivité du cœur est suffisante pour provoquer la fusion de ce dernier. Plusieurs réacteurs ont connu des problèmes grave de refroidissement à l’arrêt : ce problème est connu d’EDF depuis 1990. |
- « Packing(*)» :
– en 2001, la moitié du packing dans la tour aéroréfrigérante du réacteur n°1 de Golfech. L’information discrète de l’électricien sur cette gigantesque opération mentionnait officiellement qu’il s’agissait d’« améliorer son fonctionnement ». C’est une étude américaine qui nous a informé de ce problème à travers la prise de la centrale de Golfech comme cas d’école au niveau mondial.
(*)Ensemble constitué de plastique permettant de refroidir l’eau qui sort du condenseur.
– Ajouté en 2020 –

– Eléments sur le vieillissement en service des matériaux des chaudières nucléaires qui est à l’origine de ces problèmes (d’après « Contrôle » juin 1999):
Pour Y. Meyzaud (Framatome) et P. Soulat (CEA), la résistance à la rupture brutale (ténacité) évolue suite au vieillissement thermique et à l’irradiation neutronique très importante. Ces phénomènes n’ont été réellement appréhendés et étudiés que depuis le début des années 1980. L’acier inox utilisé pour les tuyauteries primaires (parties droites, moulées, volutes de pompes…) bien que plus résistants que l’acier des cuves connaissent des irradiations si importantes que leur structure peut être profondément modifiées. Ceci entraîne leur perte d’élasticité ainsi que leur sensibilité à la corrosion.
Pour Brian Tomkins (Chief technologist, AEA technologie au Royaume-Uni) les effets du vieillissement sont une surprise car il y a eu un manque d’anticipation dont les raisons sont:
– La partie nucléaire doit répondre à des exigences de performance qui dépassent parfois nettement les connaissances dans les expériences antérieures.
– Suite à la rapidité de développement du nucléaire, des installations plus puissantes ont été développées sans retour d’expérience.
– Ce manque de retour d’expérience ajouté aux accidents de Three Misle Island et Tchernobyl a limité la recherche et le développement destiné aux installations nouvelles et incité à prolonger la durée de vie des centrales existantes à 40 ans malgré les faibles connaissances des phénomènes de vieillissement.
– Les rayonnements ajoutés à la chaleur rend l’accès aux principaux composants difficile tant pour la détection des défauts que pour les réparations et remplacements .
– La disparité des matériaux rend la gestion de la dégradation difficile.
– Malgré l’utilisation de codes de conception les meilleurs possibles, ils se sont avérés incapables de prévenir les dégradations successives.
B.Tomkins précise que « l’industrie nucléaire se trouve donc confrontée à un réel problème de vieillissement qui peut mettre en cause aussi bien la sûreté que la rentabilité. »
Matthieu Schuler et Philippe Merle (du bureau de contrôle des chaudières nucléaires, BCCN) indiquent que malgré des efforts importants sur la fabrication des cuves, et de leur traçabilité les problèmes rencontrés nous rappellent « que la nature est plus inventive que les ingénieurs et que la deuxième ligne de défense qu’est la surveillance en service est nécessaire ». Pour ces deux responsables du BCCN, compte tenu du nombre de mauvaises surprises rencontrées dans le dossier des cuves, il serait bien imprudent de conclure que tout va bien jusqu’à 40 ans. |
C’est pourtant ce que fait EDF qui est sûre, au vue des connaissances actuelles que les tranches de 900 et 1300 MWe atteindront l’objectif de 40 ans au moins.
L’autorisation pour fonctionner 30 ans n’a pas été encore donnée par l’Autorité. En effet, la découverte début 1999, sur la cuve de Tricastin d’une douzaine de défauts significatifs (dont certains de 10 mm) oblige à mener des investigations supplémentaires.
– 6 – Eléments sur le vieillissement des réacteurs
D’après la revue de l’Autorité de sûreté Contrôle juin 1999
Nous avons vu les divers éléments du réacteur affectés par le vieillissement, cette situation peut affecter la sûreté des installations. L’Autorité de sûreté a demandé à EDF, en avril 1999, d’engager des actions visant à démontrer la remplaçabilité des matériels jugés sensibles. A titre d’exemple il n’existe pas de procédé industriel avéré pour le remplacement des câbles électriques ou pour le remplacement de certaines tuyauteries du circuit primaire.
EDF souhaite obtenir l’autorisation de faire fonctionner ses centrales 40 ans et si possible au-delà car l’enjeu financier associé au maintient de la durée de vie du parc est considérable. Une réduction de 10 ans se traduirait par une anticipation du démantèlement et du renouvellement. L’Autorité de sûreté ne fixe pas de durée de vie pour les réacteurs français mais exige que l’installation soit en permanence conforme en matière de sûreté. La troisième visite décennale des 900 MWe est en cours de préparation. EDF désigne par « maintenance exceptionnelle » les opérations de maintenance programmées nationalement sur une partie importante du parc. Elle représente une somme de 1,5 à 2 milliards de francs/an pour l’ensemble du parc (9 milliards pour la maintenance courante). Le projet « remplacement des composants » détermine la priorité pour les composants à remplacer ; pour 1999 ce sont les pressuriseurs qui ont été retenus. L’opération sera réalisée en 2005.
Pour Corentin Le Douaré et Jean Christophe Niel de l’IPSN, les installations conçues selon des processus révolus peuvent ne pas satisfaire aux exigences actuelles en matière de sûreté. |
– 7 – Malgré leur ampleur, les problèmes techniques ne sont à l’origine que d’un quart des incidents survenus sur le parc en 1997, l’essentiel provient de « facteurs humains«
Depuis quelques années des sabotages ont lieu dans plusieurs centrales nucléaires françaises (injections de sel dans les circuits…) des arrêts d’urgences sans respect des procédures…
Le facteur humain est intervenu dans 74 % des 470 incidents classés sur l’échelle INES du parc nucléaire français en 1997.
Les grands accidents ont généralement été le résultat de combinaisons de défaillance ou d’insuffisances à la fois matérielles et humaines, mais pour D Quiénart, il ne faut pas oublier le rôle positif joué par les hommes dans de nombreuses situations qui auraient pu conduire à un accident.
Un médecin du travail, dans un rapport alarmiste compare le service médical de sa centrale à un service d’urgence psychiatrique (Le Canard enchaîné).
A la suite de la découverte, fin septembre 1996, de seringues contenant des traces d’héroïne dans la centrale de Belleville, E.D.F. a instauré un dépistage de drogue chez les salariés du nucléaire : sont concernés 20 000 agents E.D.F. et 15 000 prestataires de service (cadre industrie- EDF 96). |
– D’après Qualité et sûreté en exploitation de G. Servière Chef de mission Sûreté Nucléaire de l’exploitation du parc nucléaire: lors des premières années d’exploitation, les documents furent de plus en plus complets et détaillés avec de plus en plus de points de contrôles. Chaque incident rajoutait de nouvelles dispositions et de nouveaux contrôles. Des documents de plus en plus touffus et appliqués formellement ont conduits à une déresponsabilisation ou une démotivation des acteurs de premier niveau. De tels comportements étaient induits non pas directement par la réglementation mais par la façon dont elle était mise en œuvre. EDF a donc cherché une implication plus directe des acteurs a travers le développement de plans qualité sûreté. (en essayant avec les acteurs de déterminer les points particuliers auxquels il fallait apporter une attention particulière).
La réglementation prévoit alors que l’on soit en mesure de formaliser et de rendre compte de façon documentée de toutes ses actions. Le processus qui se voulait souple et intelligent se retrouve à nouveau essentiellement administratif.
Pour J. Becette du centre de production de Cruas : « après avoir écrit ce qu’il fallait faire, fait ce qui était écrit, et écrit ce qui a été fait, l’ensemble des documents, procédures, relevés, plans de qualité est contrôlé au final par le préparateur qui s’assure qu’aucune anomalie n’a échappé au Chargé de travaux ».
Pour D. Quiénart (IPSN) il ne faut pas limiter les problèmes de sûreté liés aux facteurs humains à des questions de formation ou d’ergonomie des salles de conduite. Il faut surtout prendre en compte les contraintes de travail : des centaines d’intervenants, la plupart extérieurs, interviennent ensemble dans des temps très courts. Ceci entraîne des difficultés de gestion du planning.
Suite à Tchernobyl, la notion de « culture de sûreté » a vue le jour sur le plan international. Elle ne passe pas seulement par l’application formelle des bonnes pratiques mais par le fait que « toutes les tâches importantes pour la sûreté soient exécutées correctement, avec diligence, de manière réfléchie, en toute connaissance de cause, sur la base d’un jugement sain et avec le sens des responsabilités requis ».
Parmi les incidents voici quelques exemples d’« écarts typiques » signalés par les inspecteurs de l’autorité de sûreté :
- documents applicables mal définis ou absents,
- outils, procédures ou gammes inadaptées ou utilisées par erreur,
- qualification ou habilitation inappropriée des intervenants…
Pour l’année 1998 bien que se voulant rassurante, l’Autorité de sûreté dans son bilan mentionne des dysfonctionnements importants :
- négligence dans l’affaire des trains contaminés,
- l’endormissement dans l’affaire des enceintes de confinement,
- laisser faire qui a conduit à la défaillance du circuit de refroidissement à l’arrêt,
- l’oubli de choses très simples comme la mise en place des filtres ayant entraîné l’irradiation des prestataires à Golfech.
- – 8 – Les agressions
– 8.1 – Agressions externes :
- Dues aux conflits :
Les faits de guerre: Au cours de l’histoire de l’humanité, la stabilité politique d’un état n’a jamais dépassé quelques décennies: qui peut accepter de mettre sciemment, sous sa fenêtre, l’objet de sa propre fin? La guerre du Kosovo vient de nous le rappeler, aucune protection d’enceinte de réacteur ne saurait résister à l’impact d’un bombe « moderne » (la détection thermique dont sont équipés ces engins serait même capable de détecter et d’atteindre des réacteurs même à l’arrêt !).
Les actes de terrorisme.
- dues aux activités humaines :
– Chutes d’avion : Parmi toutes les agressions celle-ci serait la plus grave. Compte tenu de la probabilité relativement élevé de chute d’avions de l’aviation générale (masse inférieure à 5,7T), il a été décidé de les prendre en compte en France. Les deux avions servant de référence sont le Lear Jet 23 bimoteur de 5,7 tonnes ayant une surface d’impact de 12 m2 et le Cessna 210 monomoteur de 1,5 t pour une surface d’impact de 4 m2.. La vitesse de ces deux avions est prise égale à 100 m/s.
Les avions de l’aviation commerciale, compte tenu des probabilités n’ont pas été pris en compte.
Note : lors de l’écriture de ce texte les attentats du 11 septembre 2001 n’avaient pas eu lieu.
Quand on voit le grotesque de la prétendue résistance des enceintes de confinement ou des piscines de combustibles des réacteurs atomiques à la chute avions de ligne, on comprend mieux pourquoi les travaux sur ce problème majeur sont classés « confidentiel défense ».
- Complément 2020 –

– Explosion externe ; l’enceinte est prévue pour résister à une surpression maximale de 5 kPa pendant 1/3 de seconde. Graveline étant située à proximité d’un terminal méthanier, la surpression considérée a été portée à 20 kPa et 400 ms.
- dues aux phénomènes naturels :
Les séismes ; la France est un cas difficile ; la déformation de la croûte terrestre est liée à la faible poussée qu’exerce la l’Afrique sur l’Europe. L’activité sismique se répartit sur des centaines de failles modestes. La France doit réaliser un repérage systématique des failles actives (les archives sismiques sont insuffisantes). Les réacteurs de 900 MWe ont été conçus pour résister à un séisme d’intensité VII (Tricastin, sur la vallée du Rhône a eu droit à VIII). Les réacteurs de 1300 MWe ont été dimensionnés pour un séisme niveau VIII ( d’après La Recherche avril 1997 .Voir § des problèmes technologiques qui font que les réacteurs ont perdu de leur résistance). Il est à noter que lors d’un séisme, tous les matériels de l’installation sont sollicités en même temps.
Les inondations ; la réglementation française prévoit que devront rester assuré en cas d’inondation : l’arrêt sûr des réacteurs d’une centrale nucléaire – le refroidissement du combustible et le confinement des produits radioactifs. L’inondation est repérée par la côte majorée de sécurité qui est définie par site, et cette côte fixe le niveau de la plate-forme. .(Technique de l’ingénieur, traité de génie énergétique)

– 8.2 – Agressions internes :
Il s’agit d’accidents sur le réacteur dont quelques uns sont évoqués dans ce texte. Il y a également l’incendie pour lequel la sectorisation des locaux par exemple devrait permettre d’assurer la défense en profondeur.
– 9 – Quelques accidents et incidents « très significatifs«
Parmi les milliers d’incidents survenus sur le parc français depuis des années voici quelques spécimens:
– le 29 janvier 1993, le journal « Libération » révélait ; « lors d’une simulation de perte de pompes le réacteur avait couru le risque de s’emballer ». EDF avait caché l’information : lors d’un essai périodique le réacteur 2 de Paluel a connu une vitesse de refroidissement trop rapide du circuit primaire (une vanne était restée ouverte). Cet événement à accéléré la réaction en chaîne. Les procédures automatiques ont été bloquées (sur simple consigne téléphonique). Une intervention manuelle dans le bâtiment réacteur a été nécessaire pour fermer la vanne restée ouverte. La Direction de Sûreté des Installations Nucléaires a noté sur cet incident : – le blocage de certains automatismes – la non sollicitation de l’ingénieur « sûreté radioprotection » – la non prise ne compte d’alarmes importantes – la non transparence vis-à-vis de l’Autorité de sûreté-
– le 18 juin 1993 à Cadarache, Libération indiquait comment,, suite à une alarme en panne, suivie d’une seconde puis d’une pompe mal connectée, un rejet d’eau « faiblement » radioactive avait été effectué dans la Durance.
– le quotidien « l’Humanité » présentait les résultats d’un incident survenu le 9 août 1994, à Dampierre ou 62 travailleurs ont été contaminés par de l’iode radioactive. Pour gagner du temps, les pièges à iode n’ont pas été installés alors qu’un élément combustible était maintenu sur le réseau.
Analyse sommaire de l’accident de Three Misle Island en 1976 en Pensylvanie (d’après un document de la C.L.I. de Golfech) :
Le 28 mars 1979, sur un réacteur (de conception similaire aux réacteurs français), est apparu en 15 secondes une situation de perte de refroidissement du cœur. L’incident à eu une origine banale combinée à une défaillance de matériel et une mauvaise conception des systèmes d’alarme. L’oxydation des gaines de combustible a conduit au bout de dix heures à une déflagration d’hydrogène dans l’enceinte de confinement. Le 30 mars, les gaz radioactifs dégagés de l’installation étant supérieurs aux capacités de stockage, il était décidé de procéder à des rejets importants à la cheminée. Le Gouverneur de Pensylvanie fit alors une déclaration télévisée recommandant, à titre préventif, l’évacuation des femmes enceintes et des enfants préscolaires dans un rayon de 8 km. Il en résultera un mouvement d’évacuation massif dans un rayon de 16 à 18 km.
D.Quiénart (directeur délégué à la sûreté des installations nucléaires de l’IPSN) précise dans « Technique de l’ingénieur » qu’il est encore impossible aujourd’hui d’expliquer clairement le déroulement de l ‘accident et en particulier pourquoi il n’y a pas eu de défaillance de la cuve du réacteur.
Voici la liste des incidents en France qui ont fait l’objet de déclaration à l’autorité de sûreté:
– 1989: 430 incidents – 1994: 400 – 1995: 413 – 1996: 478 – 1997: 470 – 1998: 376 –
– 10 – Rapport qualité (sûreté) /prix
D’après Joël Guidez ancien chef du réacteur Osiris détaché du CEA à la commission européenne et chef du réacteur HFR depuis août 1997 le réacteur à haut flux de Petten (Pays-Bas).
La sûreté ayant un coût, les études de réévaluation de sûreté préconisant des améliorations vont être classées dans un tableau à deux entrées; le degré d’amélioration de sûreté (du plus important au plus faible) et le coût de l’opération. Ceci a pour objectif d’effectuer les améliorations dans un ordre de priorité. L’auteur prend l’image qu’il veut caricaturale d’un véhicule ou l’on s’occuperait plus souvent de vérifier les freins que d’évaluer les conséquences d’une collision à 200 km/h dans un platane. Pour J.Guidez, les études statistiques de probabilité d’incidents restent toujours utilisées même si elles sont scientifiquement critiquables car elles permettent de mettre en évidence les points faibles des lignes de défense.
– 11 – Panorama Mondial
Au niveau mondial, les approches de sûreté appartiennent à trois catégories :
– La prévention des accidents,
– l’atténuation de leurs conséquences,
– la gestion de ces accidents.
Pour G.M. Frescura (chef de la division sûreté nucléaire de l’AEIA) et R.J. Barrett (Chef de département à la commission de la réglementation nucléaire des Etats Unis), le risque d’accident grave, « bien que faible, voire infime, ne peut être quantifié avec précision ».
Pour eux, tous les pays se sont efforcés de réaliser un équilibre entre la prévention, la gestion des accidents et l’atténuation des conséquences des accidents graves. Le Bulletin de l’AEN du printemps 1996 indique que les compagnies d’électricité ont réalisées une mise en place de programmes de gestion des accidents graves.
La base de la prévention repose sur trois scénarios particuliers :
– les suites d’une défaillance de l’arrêt automatique du réacteur,
– la perte des alimentations électriques de la centrale,
– le choc thermique sous pression.
L’atténuation de l’accident : des pays ont adoptés des mesures pour améliorer les enceintes et modifient la conception en fonction des phénomènes qui pourraient découler d’un accident grave. Les Etats Unis, pour leur part, s’appuient sur la rentabilité pour estimer la priorité des opérations à réaliser.
Tous les pays membre de l’AEN reconnaissent qu’il est nécessaire de préparer à l’avance les stratégies de gestion des accidents graves.
Il y a superposition entre les analyse probabiliste et celles déterministe pour l’étude des accidents.
– Les analyses déterministes servent à étudier les stratégies de gestion des accidents et les mesures d’atténuation de leur conséquences.
– Les analyses probabilistes, quant à elles, servent à quantifier le risque, à déterminer les points faibles , à déterminer les priorités dans l’amélioration de la sûreté en tenant compte de la rentabilité. Ces analyses reposent sur des hypothèses réalistes plutôt que sur des hypothèses prudentes.
La plupart des pays étudient deux points liés aux accidents graves – le contrôle de la production des gaz combustibles – La lente montée en pression de l’enceinte –
Des modifications importantes de conception sont rarement préconisée et G.M. Frescura et R.J. Barett précisent qu’à coût égal la gestion des accidents est considérée comme plus efficace.
Pour ce qui est de la France, des robots ont été fabriqués dans le but d’éviter une exposition humaine aux radiations en cas d’accident majeur. Un opérateur piloterait jusqu’à une distance de 10 km de gros engins radiocommandés (Pelleteuse, camions de 20T)
Il va y avoir une collaboration franco-allemande sur les prochaines réalisations de robots de 3ème génération.( Hélicoptères radiocommandés…)
Fin 1995, 437 centrales nucléaires étaient en service dans le monde. 50% avaient plus de 15 ans et 30 % plus de 20 ans. Les concepts de construction datent de la fin des années 60.
La convention sur la sûreté nucléaire prévoit des prescriptions sur les obligations de contrôle de sûreté et de procéder à un rééquipement éventuel ou d’arrêter une centrale.
A l’Est, les deux premières générations de centrales nucléaires de l’Est (type VVER) sont de conception tout à fait robustes. Les 6 circuits de refroidissements peuvent se fermer individuellement. Il est à noter également que le volume d’eau est trois fois supérieur à celui d’un réacteur occidental équivalent..(les perturbations conduisants à des valeurs critiques se font beaucoup plus lentement (F. Niehaus AIEA – bulletin ASPEA n° 20/1996-).
Dans le même ordre d’idée ; « Les experts occidentaux ont-ils exagéré, au début des années 1990 le risque posé par la conception des réacteurs nucléaires de fabrication soviétique? C’est ce que laisse penser l’annonce récente des instituts de sûreté nucléaire allemands et français. Les grandes masses d’eau du circuit primaire présentent une inertie qui en cas d’anomalie, permet des délais avant intervention » plus longs que sur les réacteurs à eau sous pression occidentaux » ( « La Recherche » mars 1997 ).
– 12 – Le maintient et le développement du nucléaire
En 1990, après que le ministère de l’industrie soit devenu un peu plus regardant sur la question nucléaire, P. Tanguy se plaignait en ces termes :
« La contrainte réglementaire a une large part de responsabilité dans l’échec du programme nucléaire américain… Je crains que nous n’arrivions aujourd’hui à une tendance similaire en France. » Source :Le Canard Enchaîné 14 02 1990 |
– Les réacteurs d’irradiation technologique servent au développement et au suivi technologique de la filière électronucléaire avec trois objectifs principaux ( d’après : « Les réacteurs de recherche et d’expérimentation: un outilpour la recherche par François Jacq Directeur du département énergie, transport environnement et ressources naturelles – Direction de la technologie Ministère de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie ») :
– améliorer la compétitivité de l’énergie nucléaire,
– maintenir et accroître la sûreté des réacteurs (étude neutroniques des cœurs, comportement sous flux des matériaux et des combustibles, formation des équipes de conduite…)
– limiter la production de déchets à longue durée de vie.
Le projet de réacteur nommé « Jules Horowitz » (RJH) prévoit toujours la possibilité de mener des expériences de simulation locale d’accident pour contribuer aux études de sûreté. La technologie du « futur » réacteur EPR est proche du parc existant et ne nécessite donc pas un réacteur particulier (RJH faisant l’affaire). Les nucléocrates revendiquent très fort des budgets sur la recherche afin de maintenir des niveaux adéquats de compétence qui permettront le développement futur de l’énergie nucléaire (« bulletin AEN » printemps 1996).
Pour Fr.Jacq, comme pour S.Frachet et A. Ballagny du CEA /DRN (dans « Contrôle« ), l’avenir est toujours…le passé! à l’horizon 2010-2020, la problématique de la gestion des déchets radioactifs à longue durée de vie nécessite l’orientation vers les REP, vers les réacteurs à neutrons rapides et vers les systèmes hybrides! (réacteurs sous-critiques excités par un apport extérieur de neutrons).

https://www.laprovence.com/article/economie/5723603/la-minute-eco-dans-les-coulisses-du-cea-cadarache-le-plus-centre-europeen-de-recherche-nucleaire.html
Dès 1996 des travaux ont été lancés pour déterminer le lieu exact d’implantation du RJH à Cadarache, qui d’ores et déjà a été retenu. Les choix définitifs étaient prévus pour… juin 1999.
Les études de définition débuteraient en 2000 pour une réalisation entre 2002 et 2006.
En 1996 « La Recherche » notait que les français étaient très mal informés sur le risque potentiel même quand ils vivaient à proximité d’une installation nucléaire. A qui doit on le manque d’information ? en premier lieu à ceux qui ne retransmettent pas en temps réel les types de données que nous venons d’évoquer. On pourrait citer également les syndicats: dans l’Evènement du 25 au 31 mars 1999 un syndicaliste qui a voulu garder l’anonymat déclarait :
« La CGT et la direction exercent une pression très forte et la plupart des gars préfèrent se taire. En accord avec la direction ils bloquent les informations ». |
Depuis quelques mois les médias semblent plus enclins à révéler quelques informations de manière « soft » malgré les importantes recettes de publicité qu’ils perçoivent de l’industrie nucléaire. Commenceraient-ils à mesurer l’importance du danger ou bien encore leur part de responsabilité ?
Raymond Sené – cofondateur du Groupement de Scientifiques sur l’Information sur l’Energie Nucléaire – GSIEN – précise, toujours dans « Contrôle », que l’expertise indépendante inaugurée à Fessenheim en 1989 a ouvert une brèche dans le mur de l’opacité dont s’entoure le système.
Pour R. Sené, dix ans après cette première expertise, la situation est plus favorable mais pour les sources officielles d’information il précise: – les documentations de Framatome ont une accessibilité nulle – celles d’EDF sont peu accessible et souvent tronquée – Les analyses du BCCN sont disponibles – Les analyses de l’IPSN ne sont pour l’instant pas disponible, l’institut se retranchant derrière la propriété d’EDF.
Conclusion
Nous venons d’évoquer à travers ces quelques pages l’ampleur des problèmes techniques et humains pour des personnes qui doivent assumer des responsabilités « hors dimension humaine »
Ceci ne représente qu’une partie du problème, l’autre partie continuant d’être cachée comme nous venons de le voir.
Le visage horrible de l’atome en 1945 au Japon, a été justifié par celui fallacieux d’un nombre bien plus important de victimes sans son usage. Aujourd’hui, après Three Misle Island et Tchernobyl il ne se trouve que de rare pays pour envisager le maintient du nucléaire contre l’avis de ses populations. Après avoir tenté d’attribuer l’accident de Tchernobyl non pas au fait nucléaire mais à celui d’une technologie obsolète à l’Est, les nucléocrates ont trouvé le relais pour la justification de la continuation du nucléaire dans l’effet de serre. Ce dernier compenserait-il les victimes de Tchernobyl et celles à venir ? Comme l’idée a été émise il y a quelques mois à Stop Golfech : « ni peste…ni choléra ».
– Complément 2020 –

Manifestation devant la centrale de Bugey le 15 mars 2011. —
FAYOLLE PASCAL/SIPA
La radioactivité naturelle, au cours des millénaires passés, avait été figée par le temps dans la roche ce qui a permis à la vie de se développer sur terre. A partir de l’ère nucléaire l’homme a travaillé à reconcentrer cette radioactivité à outrance, multipliant ainsi sa dangerosité et son volume. Depuis cette radioactivité ne cherche qu’à se disperser sous toutes les formes physiques (liquide, solide, gaz) en rongeant ce que l’homme s’évertue à construire pour la confiner. Ce « prisonnier » redoutable par sa durée de vie et son acharnement à se faire « la belle » vient à bout des stratagèmes sophistiqués élaborés par les meilleurs savants au monde. Dès qu’il a réussi son évasion, comme à Tchernobyl, il s’attaque à toute forme de vie pour des millénaires.
Tout homme de bon sens devrait s’interroger sur ce Frankestein qu’il a créé et qui va lui survivre en détruisant à petit feu toute sa descendance.
Nous continuerons à mettre les politiques en face de leur responsabilité sur cette question nucléaire.
Nous espérons que la lecture fastidieuse de ces quelques lignes, sur le seul aspect « accident », vous incitera à venir nous rejoindre dans notre lutte contre l’atome. Peut-être seront nous alors assez nombreux, comme dans de nombreux pays, pour qu’enfin la vie en France puisse retrouver un chemin un peu plus paisible sans ce problème.